Les dirigeants européens se retrouvent aujourd'hui à Bruxelles avec l'ambition de débloquer le traité de Lisbonne pour commencer à discuter du premier vrai président de l'UE, sur fond de duel Blair-Juncker, et surmonter leurs divisions sur le climat. Officiellement, la question du futur président stable du Conseil européen désigné pour jusqu'à cinq ans - un nouveau poste prévu par le traité de Lisbonne - n'est pas à l'ordre du jour de ce sommet de deux jours qui débutera en fin d'après-midi. Mais la question sera au moins en coulisses sur toutes les lèvres. Car l'Union européenne a clairement commencé à «rechercher son George Washington», selon le mot de l'ancien chef d'Etat français, Valéry Giscard d'Estaing, en référence au premier président des Etats-Unis. L'objectif est d'en finir avec le système actuel de rotation semestrielle qui rend la voix du bloc des 27 souvent inaudible. Le Premier ministre britannique, Gordon Brown, compte faire campagne pour son prédécesseur lors du sommet, a annoncé mardi soir la BBC en citant des sources gouvernementales. «C'est un avocat persuasif, un authentique Européen et un vrai bâtisseur de coalitions», a déjà assuré lundi le chef de la diplomatie britannique David Miliband. La tâche de l'ancien leader du «New Labour» s'annonce toutefois compliquée. Un vent de fronde contre lui souffle sur le continent, attisé par les pays du Benelux et l'Autriche. On lui reproche son soutien à la guerre en Irak et l'euroscepticisme bien ancré du Royaume-Uni, toujours un pied à l'intérieur de l'UE et un pied au-dehors. Il compte pour premier adversaire déclaré le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui s'est dit disponible mardi. Un troisième homme pourrait mettre tout le monde d'accord, le discret chef du gouvernement néerlandais, Jean Peter Balkenende, donné depuis des semaines comme partant. Aucune décision ne sera toutefois prise cette semaine. L'heure des choix pourrait être renvoyée à un sommet extraordinaire les 11 et 12 novembre, selon des diplomates. A condition toutefois que le traité de Lisbonne entre bien en vigueur. Le dernier obstacle à sa ratification est en République tchèque, où la Cour constitutionnelle doit se prononcer, sans doute le 3 novembre, sur un recours déposé par des élus eurosceptiques. Leur mentor, le président europhobe Vaclav Klaus, veut aussi obtenir pour prix de sa signature une dérogation pour son pays afin d'empêcher toute restitution aux Allemands des Sudètes expulsés en 1945. Un accord se dessine pour lui accorder cette clause en bas de page et en finir avec l'incertitude institutionnelle en Europe. «C'est bien parti» pour y arriver au sommet, a indiqué le Premier ministre tchèque Jan Fischer. La Slovaquie pourrait du coup aussi en bénéficier. En revanche, un autre sujet risque de rallumer les divisions: la lutte contre le réchauffement du climat. Les Européens peinent à se mettre d'accord sur le montant de l'aide financière à apporter aux pays pauvres pour faire face aux effets du réchauffement. Et surtout sur la répartition entre Etats de l'UE, avec une claire césure Est-Ouest. La Pologne et plusieurs pays d'Europe centrale refusent qu'on fasse payer les pays les plus polluants, ce qui pénaliserait Varsovie en raison de l'importance du charbon pour son énergie. Un échec sur ce point à Bruxelles donnerait une piètre image de l'Europe à six semaines du sommet mondial sur le climat de Copenhague où elle entend se présenter en modèle.