«Il est plus facile de rencontrer les chefs de la Maison-Blanche ou du Kremlin qu'un wali.» Ce constat du président de la République est toujours d'actualité. Une fois de plus, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s‘en prend, indirectement, aux responsables locaux. Lors du discours prononcé mercredi à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire 2009/2010, le chef de l'Etat a tenté d'expliquer les mouvements de protestation qui se propagent telle une traînée de poudre à travers le territoire national. «Les conflits et les protestations ne sont en réalité qu'un moyen de demander justice», a déclaré le chef de l'Etat. Par ces propos, le premier magistrat du pays a fait preuve d'une oreille attentive aux préoccupations et doléances des citoyens. Il ne s'agit en réalité que d'une façon de demander aux responsables locaux d'être à l'écoute des citoyens. Cela illustre parfaitement la dichotomie existant envers les préoccupations des citoyens et celles des autorités locales. Alors que le président de la République semble comprendre les problèmes des Algériens et s'engage à les résoudre, il y a des responsables locaux qui ferment toute porte au dialogue. Ces derniers ne montrent aucun signe de compréhension. La répression demeure ainsi l'unique moyen de «dialoguer» avec les citoyens, sur des problèmes qui les concernent au premier chef. Pas d'écoute. Pas de compréhension. Pas de solution. Devant une telle situation, la rue reste, dès lors, le seul et unique moyen pour faire entendre sa voix. Ainsi, les scènes de violences qui éclatent dans le pays, induisent un véritable ras-le-bol. La répression ne peut engendrer que la violence, la dualité «violence-répression» étant devenue le moyen le plus usité du dialogue citoyens-administration. Le résultat final ne peut être que catastrophique. Or, si les responsables locaux faisaient montre de la compréhension et de l'écoute attendues d'eux, de dialoguer avec les citoyens, ce serait le meilleur moyen de baisser les tensions et d'éviter les affrontements. Les dernières émeutes qui ont eu lieu à Diar Echems, à Alger, ont ainsi été marquées par la sourde oreille des autorités locales. Selon les habitants de cette cité, le wali délégué avait refusé de leur accorder une audience. Il refusait de recevoir des contribuables alors que c'était son devoir d'être à leur écoute. Le lendemain, les émeutiers demandaient d'être écoutés par le wali d'Alger qui n'a pas pris la peine de se déplacer sur les lieux ni encore de les recevoir au siège de la wilaya. C'est ce qui a été considéré comme un mépris par les citoyens qui ont mis le quartier en feu. Bilan: des dizaines de blessés entre civils et policiers et des dizaines d'arrestations. Ce scénario aurait pu être évité par une simple écoute des doléances liées à des problèmes réels qui pouvaient être solutionnés par la bonne volonté de tous, sans affrontement. Un responsable local qui entre dans la course électorale pour être à la tête d'une commune ou un wali qui est nommé à ce poste, doit être conscient de la tâche qui l'attend et pour laquelle il sera appelé ou pour lequel il postule. Il ne s'agit pas de vacances ni d'un poste de prestige. Il leur fallait aller au «charbon» Quel responsable local a estimé que son poste ne lui faisait pas assumer des responsabilités face à ses administrés, d'une part, à l'administration centrale, d'autre part? Or, le «maire» ou le wali algériens, une fois en place, cadenassent à triple tour les portes de leurs bureaux. Aussi, il est très difficile pour un citoyen algérien d'être reçu par un wali ou un chef de daïra ou un maire alors que c'est la raison même pour laquelle ils se trouvent à ces postes de responsabilité. C'est le constat établi, y compris, par le chef de l'Etat, lequel a eu un jour à faire ce triste constat. En Algérie, «il est plus facile de rencontrer les chefs de la Maison-Blanche ou du Kremlin qu'un wali», s'est ainsi offusqué le Président Bouteflika lors du discours qu'il prononça en 2006 à l'occasion de l'ouverture de la réunion entre le gouvernement et les walis au Palais des nations. Et de poursuivre: «Je dois dire qu'il est inacceptable que le citoyen soit poussé à s'adresser à la présidence de la République pour des problèmes qu'il rencontre dans son quartier», ironisant, «moi-même, avec mon statut, je trouve des difficultés à contacter certains walis». Et d'exhorter ces walis et maires à aller à la rencontre des citoyens. «Je suis désolé, votre mission consiste aussi à aller sur le terrain, à ouvrir vos bureaux pour la population», a-t-il soutenu. Le chef de l'Etat avait rappelé aux présents que l'Etat commence par le maire et qu'il ne faut pas que les citoyens soient contraints d'avoir recours dans tous les cas au chef de l'Etat. Mais ces propos du chef de l'Etat n'ont pas eu l'écho qu'ils méritaient lorsqu'on voit que les choses n'ont pas évolué d'un iota. Le langage de sourds domine dans les relations administration locale-citoyens. Aussi, il est urgent pour les responsables locaux d'appliquer les orientations du premier magistrat du pays et d'écouter (enfin) les citoyens.