C'est le football qui a fait renaître le patriotisme chez la jeunesse algérienne. Il a suffi de la magie du football pour sceller une véritable communion nationale. Il a suffi d'une victoire pour voir des millions d'Algériens s'agripper à leur drapeau, l'exhiber et l'embrasser avec une ferveur sans égale. Si pour les personnes d'un certain âge le spectacle n'est pas nouveau puisqu'il leur suffit de solliciter leur mémoire pour retrouver les images de l'indépendance, il est tout autre pour la génération née après le 5 juillet 1962. Cette génération n'a jamais vécu un pareil événement. Ce sont des images tout à fait nouvelles pour elle et dont nombreux ont douté sérieusement de sa foi patriotique. Le 1er Novembre dernier, la déception de la génération qui a vécu les affres du colonialisme a été immense. A l'origine de cette contrariété, le 55e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale est passé presque inaperçu. A part les drapeaux accrochés par les autorités locales au niveau des édifices publics et officiels, pas le moindre emblème n'a fait son apparition dans les balcons. «Comment ne pas être déçu quand on voit que l'emblème national est oublié par nos jeunes. Je sors le drapeau à chaque fête nationale et je constate à chaque fois que je suis l'une des rares personnes à le faire», regrette un ancien militant de la cause nationale. Les explications d'un pareil désintérêt ne manquent pas. Elle vont de l'abandon de la chose politique au fossé séparant l'Etat et les citoyens. Là aussi c'est tomber dans la facilité des interprétations superficielles et des alertes inutiles, car quand un peuple rejette ses repère historiques et ne marque aucun attachement à son drapeau, c'est grave. Mais c'est sans compter sur la balle ronde, qui s'avère être le véritable remède moral de la jeunesse algérienne au moment où la désillusion était totale. C'est le football qui fait renaître cette ferveur patriotique. Devant les scènes de liesse observées à travers la quasi-totalité du territoire national, il est pratiquement impossible de rester insensible. Il a fallu une victoire laborieusement arrachée à Khartoum pour réussir ce que deux référendums n'ont pu réaliser (la Concorde civile et la Réconciliation nationale), ce qu'une campagne médiatique n'a pu atteindre, ce que tous les hommes politiques du pays n'ont pu faire: amener le citoyen algérien à exhiber le drapeau national dans chaque maison à l'occasion des fêtes nationales. Il a fallu une victoire pour que le drapeau flotte partout en Algérie, sur les balcons, les toits, les voitures... Plus qu'une manifestation de joie de supporters, plus qu'une victoire dans un match de football, c'est un drapeau qui découvre tout un peuple. Aucune phrase, aucune image ne peuvent restituer la ferveur et l'attachement qu'ont exprimés les Algériens à leur drapeau depuis ces dix derniers jours. Un attachement qui n'a de comparable que le jour de l'Indépendance nationale, le 5 juillet 1962. Des enfants en très bas âge qui, de leur mains encore frêles, agitent de petits drapeaux, ils découvrent leur premier amour. Des vieux au crépuscule de leur vie qui abandonnent leurs cannes pour agiter le drapeau national. On découvre finalement que le patriotisme ne s'impose pas et ne se dicte pas. Il se vit et il s'exprime. Les scènes observées au niveau de la capitale ainsi que dans toutes les wilayas du pays sont à même de décourager toute idée belliciste envers l'Algérie. Il appartient maintenant aux intellectuels et surtout aux hommes politiques de travailler, d'entretenir et de cultiver ce ferment de patriotisme qui a immergé spontanément car pareille expression de la société ne revient qu'une fois tous les 50 ans.