Nombreux sont ceux qui, au Liban, craignent que les Libanais soient les grands perdants d'un hypothétique accord sur la question des réfugiés. Bloqués depuis des décennies par l'absence de règlement israélo-palestinien, près de 300.000 réfugiés palestiniens vivent dans des conditions pitoyables dans des camps au Liban où le risque d'une pérennisation de la situation est de plus en plus mal vécu. En visite à Beyrouth aujourd'hui, le président palestinien Mahmoud Abbas devrait se pencher avec ses interlocuteurs sur le sort des réfugiés palestiniens, dont des dizaines de milliers n'ont jamais vécu dans les territoires palestiniens, et sur le malaise que génère au Liban la permanence d'une dizaine de camps dont le contrôle échappe aux autorités libanaises. Nombreux sont en effet ceux qui, au Liban, craignent que les Libanais soient les grands perdants d'un hypothétique accord sur la question des réfugiés. «L'installation permanente des Palestiniens au Liban constitue une véritable menace démographique, politique et pour la sécurité», affirme le député libanais Farid al-Khazen, professeur de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth. Les réfugiés sont en majorité arrivés après la création de l'Etat d'Israël en 1948. Une seconde vague a suivi dans les années 1970, suite à la décision du roi Hussein de Jordanie d'expulser l'Organisation de libération de la Palestine et ses milliers de combattants. Bien que l'ONU chiffre à 400.000 le nombre de réfugiés palestiniens au Liban, certains avancent un chiffre plus proche de 250.000 à 270.000, car l'ONU n'a pas effacé de ses listes les réfugiés partis dans d'autres pays. Le Liban compte quatre millions d'habitants. Comme la loi libanaise leur interdit d'acheter des propriétés et d'exercer la majorité des professions, tous les réfugiés dépendent de l'Agence de l'ONU d'aide aux réfugiés palestiniens (Unrwa). Leur présence devait initialement être temporaire, mais leurs chances de rentrer chez eux se sont évanouies avec l'enlisement israélo-palestinien. De même, l'espoir né de l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche a rapidement rendu leur place à l'amertume et au cynisme. «La lenteur des négociations et l'absence de progrès tangibles signifie que les discussions sur le statut final, et la question des réfugiés, sont indéfiniment reportées», a déclaré Karen Abu Zayd, commissaire générale de l'Unrwa, lors d'une récente visite à Beyrouth. L'idée d'une installation permanente au Liban des réfugiés palestiniens terrorise les Libanais, qui craignent pour le fragile équilibre confessionnel de leur pays. Pour beaucoup, les camps de réfugiés sont des pépinières de terroristes, une conviction renforcée par les sanglants affrontements de l'été 2007 entre l'armée libanaises et des combattants islamistes retranchés dans le camp de Nahr al-Bared. «L'extrémisme est pour une large part dû à l'absence de solution», estime Mme Abu Zayd. «Leur détresse ne relève pas du gouvernement libanais, mais de la communauté internationale.» De nombreuses organisations mettent en garde contre une explosion des camps si la situation des réfugiés n'évolue pas. «La situation dans les camps est au-delà de ce qui est humainement acceptable», explique Khalil Mekkawi, ancien responsable d'une commission libanaise mise en place pour améliorer la situation dans les camps. «Les gens qui vivent dans une telle misère n'ont plus d'espoir.» Certains Palestiniens dénoncent pour leur part une instrumentalisation de leur cause par certaines factions libanaises. «La question de l'installation permanente (des réfugiés) est un épouvantail de la politique libanaise», accuse Souheil El-Natour, membre du Front démocratique de libération de la Palestine. «C'est cela qui prive les réfugiés de leurs droits civiques», ajoute-t-il.