C'est le premier lieu de culte musulman, situé dans le Tarn au sud de la France, qui a été ciblé depuis que les débats sur l'identité française et les minarets font rage dans l'Hexagone. Il était pratiquement dit que le tapage médiatique fait autour des minarets après le succès du vote suisse allait faire des vagues en France. Des dégâts aussi. La France renoue avec ses vieux démons: le racisme et l'islamophobie. Les quelque trois cents fidèles de la mosquée de Castres ont été choqués par l'ignoble, l'innommable, le terrible spectacle qui s'offrait à leurs yeux lorsqu'ils se sont rendus dimanche à leur mosquée pour accomplir la traditionnelle prière du matin. Des pieds de porc étaient suspendus à la poignée du portail tandis que des oreilles ont été déposées juste à l'entrée de l'édifice et d'autres suspendues à la porte, a indiqué Abdelmalek Bouregba, président et porte-parole de l'Association islamique de Castres. Suprême insulte pour tout musulman qui se respecte! La communauté musulmane ne crie pas vengeance. Elle est tout simplement sous le choc. Silencieuse. Indignée. Une forme de réponse. Elle est exprimée dans la dignité comme à chaque fois où elle se retrouve injustement agressée. Son lieu de culte sacré et commun a été souillé dans la nuit de samedi à dimanche 13 décembre par des inconnus. Des croix gammées ont été badigeonnées sur les murs extérieurs qui portaient aussi des inscriptions nazies. Xénophobes et racistes. «La France aux Français», «Sieg heil», et «White power». Un type de chapelet aux expressions déjà connues et propres à des groupuscules de nazillons, aux sympathisants de l'extrême droite française et aux nostalgiques de l'Algérie française. Tandis que des affiches arboraient des drapeaux tricolores. Sans conteste, le débat sur l'identité française voulu par Nicolas Sarkozy qui en avait fait une de ses promesses électorales, orchestré et mis en oeuvre le 2 novembre dernier par Eric Besson sous forme de forum lui a glissé d'entre les doigts. Le ministre de l'Immigration qui l'a porté à bout de bras, malgré les nombreuses voix réticentes qui se sont élevées autant au sein de la classe politique que parmi la majorité des intellectuels français, doit se poser désormais la question de son utilité à défaut de se mordre les doigts ou plutôt la langue. «Il a monté ça comme un coup politique, c'est en train de lui revenir dans la figure, alors que c'est un vrai sujet», avait estimé un de ses collègues alors que le ministre de l'Immigration venait d'essuyer un feu nourri de la part de deux ex-Premiers ministres de l'actuelle majorité, Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé. Le premier a dénoncé «un manque de rigueur intellectuelle» alors que le second s'est questionné: «Sur les valeurs, est-ce qu'on n'est pas finalement d'accord?» Le président de la République française qui a fait sien le débat sur l'identité nationale, à trois mois des élections régionales, a entretenu de manière magistrale l'amalgame avec l'Islam et a donné un os à ronger à l'extrême droite qui a mis à profit le succès du référendum hélvétique sur les minarets pour ressortir son thème favori: l'immigration. Le Front national en a fait son fonds de commerce à chaque rendez-vous électoral. Qu'il soit local ou national. A chaque fois, et depuis plus de trente ans, les immigrés, pourtant exclus de ces scrutins, en ont fait les frais avec la bénédiction des partis républicains notamment de droite pour des considérations, souvent, purement électoralistes. C'est aussi présentement le cas. Le chef de l'Etat français s'est défendu de condamner le vote suisse laissant ainsi la porte ouverte à l'instauration de ce type de réaction en France. «Au lieu de condamner sans appel le peuple suisse, essayons de comprendre ce qu'il a voulu exprimer et ce que ressentent tant de peuples en Europe, y compris le peuple français qui...ne veulent pas que leur cadre de vie, leur mode de pensée et de relations sociales soient dénaturés», avait déclaré mardi dernier Nicolas Sarkozy qui justifie par ces propos, d'une énorme gravité, le rejet de l'autre, de l'immigré et du musulman. Il persiste et signe et ajoute: «Dans notre pays où la civilisation chrétienne a laissé une trace aussi profonde...tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l'échec l'instauration si nécessaire d'un Islam de France.» Pour dresser une religion contre une autre on ne pouvait faire mieux. Pour réveiller certains instincts racistes refoulés, il n'en fallait pas plus. La mosquée de Castres en fait les frais et le président de la République française condamnera encore une fois avec fermeté cet acte raciste qui vise la communauté musulmane et promettra le châtiment de ses auteurs. Les amalgames qui ont caractérisé le débat sur l'identité française et les minarets n'ont pas échappé à Abdelmalek Bouregba qui entend porter plainte. «C'est un ensemble. Depuis un certain temps, on n'arrête pas de viser la communauté musulmane.» Un constat que vient renforcer et condamner le communiqué de SOS Racisme qui estime que cette profanation «vise très clairement, de la part des auteurs de ces méfaits, à laisser entendre qu'un musulman ne saurait être français». La politique du gouvernement de la France en matière d'immigration en porte la responsabilité.