Pour la plupart des observateurs, il y a une relation de cause à effet évidente entre les inévitables dérapages d'un débat aussi inutile que mal préparé et la profanation de la mosquée de Castres. Et l'on craint même que ce ne soit là qu'une première moisson d'un débat qui a mal tourné. Une petite mosquée conçue pour accueillir quelque 250 fidèles a été profanée à Castres, dans le Tarn, au courant de la nuit de samedi à dimanche. Les profanateurs ont franchi le portail de l'édifice mais n'ont pas pu accéder à l'intérieur, dans les lieux de prière. Ils se sont donc contenté de tagger les murs en y dessinant des croix gammées, des mots d'ordre nazis et des slogans racistes et hostiles à l'islam et aux musulmans. “La France aux Français”, pouvait-on lire sur les murs, ou encore “White power.” Des oreilles de cochon ont été agrafées à la porte de la mosquée à côté de petits drapeaux français et des pieds de cochon ont été suspendus à la poignée du portail. Alors que la police s'est rendue sur les lieux pour constater la profanation et relever les indices susceptibles de servir l'enquête, l'affaire a fait grand bruit et a suscité émotion et réactions. Abdelmalek Bouregba, responsable du lieu du culte, s'est dit outré et a qualifié l'acte de “prémédité”, avant d'affirmer que depuis quelque temps, “on n'arrête pas de viser la communauté musulmane”, faisant le lien avec les dérapages qui ont émaillé le débat sur l'identité nationale lancé par le ministre Eric Besson et la votation suisse interdisant la construction de minarets sur le sol helvétique. Le directeur de la police départementale du Tarn, qui n'exclut aucune piste, a tenu à préciser qu'aucun incident ni conflit n'a été relevé autour de la mosquée les jours précédents. S'étant déplacée sur les lieux pour exprimer sa solidarité à la communauté musulmane, la préfète du Tarn a condamné “ces actes de profanation contraires aux valeurs de (la) République laïque qui permet à chacun de pouvoir exercer sa foi dans le respect des règles et des valeurs de (la) démocratie.” Un député UMP et un autre du Nouveau Centre, tous deux élus dans le Tarn, ont également condamné avec une grande fermeté l'acte odieux. Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux est intervenu à son tour pour affirmer que le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme n'ont pas leur place en France. Pour le parti majoritaire au pouvoir, l'UMP, “ces actes scandaleux et intolérables portent atteinte aux valeurs fondamentales de la République (…), notamment celles du respect de l'autre et de la tolérance.” À gauche comme à droite, tout comme au sein du mouvement associatif, les condamnations se sont multipliées, à l'instar de SOS-Racisme qui a rendu public un communiqué selon lequel la profanation “vise clairement, de la part des auteurs de ces méfaits, à laisser entendre qu'un musulman ne saurait être Français.” L'organisation antiraciste, proche du Parti socialiste, a déploré, par la même occasion, “la libération de la parole raciste, libération que le débat sur l'identité nationale permet et organise.” Cette réaction résume d'une certaine façon le sentiment exprimé par tous les acteurs de gauche et toutes les personnes qui ont montré leur hostilité au débat initié par Eric Besson et voulu par le président Sarkozy.