Est-il possible de recadrer un débat décrié, controversé, objet de dérapages xénophobes ? Un débat voulu et programmé par l'Elysée, qui dérive et se cristallise de plus en plus sur l'Islam. C'est ce qu'a semblé faire le président Sarkozy par sa tribune dans le Monde, hier, sur le débat sur l'identité nationale. Paris : De notre correspondante Hier après-midi, ce sont les députés qui s'en sont emparé. La tribune du président Sarkozy dans le Monde, hier, se veut-elle une mise en garde et/ou une mise au point, une clarification d'une initiative voulue par l'Elysée avec des arrière-pensées électoralistes liées aux régionales de mars 2010, mais qui, coïncidant avec l'affaire des minarets en Suisse – qui a fait grand bruit en France – crée un véritable malaise dans la société française, nourrissant amalgames de toute sorte. Nicolas Sarkozy, en confiant il y a un mois la conduite de ce débat à Eric Besson, le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, ne s'attendait certainement pas à la tournure qu'il allait prendre. Volonté d'apaisement autour d'un débat qui a pris des proportions inquiétantes ? Nicolas Sarkozy rappelle « les valeurs de tolérance » et « d'ouverture » de la France et appelle au respect mutuel entre « ceux qui arrivent » et « ceux qui accueillent », que la question de l'identité nationale ne se résume pas à celle de l'immigration et à la place de l'islam en France. « Chrétien, juif ou musulman, homme de foi, quelle que soit sa foi, croyant, quelle que soit sa croyance, chacun doit savoir se garder de toute ostentation et de toute provocation et, conscient de la chance qu'il a de vivre sur une terre de liberté, doit pratiquer son culte avec l'humble discrétion qui témoigne non de la tiédeur de ses convictions mais du respect fraternel qu'il éprouve vis-à-vis de celui qui ne pense pas comme lui, avec lequel il veut vivre », poursuit Nicolas Sarkozy. Déjà vendredi, le Premier ministre François Fillon déclarait qu'il ne fallait « pas tout confondre ». « Il faut comprendre les Suisses » Interrogé sur le référendum anti-minarets en Suisse, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a répondu dimanche sur Canal+ que la France est « une République laïque qui doit protéger l'ensemble des cultes ». Elle doit « condamner à la fois l'islamophobie et l'islamisme radical », a-t-il insisté. Le ministre a précisé qu'il existait en France 2368 lieux de culte musulman recensés, allant de la simple salle de prière à la mosquée. Parmi ces lieux de culte, on trouve 64 mosquées ayant des minarets dont 7 ayant « des minarets élevés », a-t-il rapporté. La construction de minarets « n'est pas une obligation religieuse », a-t-il souligné, évoquant certaines mosquées qui en sont dépourvues en République islamique d'Iran. Le ministre a assuré qu'il se « reconnaît » dans la position du maréchal Lyautey qui, en inaugurant la Grande Mosquée de Paris en 1922, avait déclaré : « Quand s'érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l'Ile-de-France qu'une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront pas jalouses. » Sur le vote suisse, Nicolas Sarkozy souligne dans sa tribune qu'« au lieu de vilipender les Suisses parce que leur réponse ne nous plaît pas, mieux vaut nous interroger sur ce qu'elle révèle ». « Essayons de comprendre ce que (le peuple suisse) a voulu exprimer et ce que ressentent tant de peuples en Europe, y compris le peuple français. Rien ne serait pire que le déni. » Le fond reste entier.