L'ex-latéral gauche de l'Equipe nationale des années 80 affirme dans cet entretien que la Fifa doit prendre ses responsabilités vis-à-vis des clubs qui menacent leurs joueurs en cas de participation à la prochaine Coupe d'Afrique des nations. L'Expression: Le bras de fer joueurs africains-clubs employeurs réoccupe le devant de l'actualité en cette veille de la CAN, quels commentaires faites-vous? Mustapha Kouici: Je trouve cela absurde de la part de prétendus techniciens considérés comme professionnels. S'il s'agissait des joueurs de gros calibres, ils n'auraient même pas bougé le petit doigt, mais s'agissant des Africains, ils brandissent la menace et c'est pour ça que je dis que ce sont des pseudo-entraîneurs. Je trouve indécent de refuser à un joueur de défendre les couleurs de son pays dans une compétition internationale. C'est inadmissible. D'autant que ce sont beaucoup plus les joueurs africains qui sont visés. Pourquoi ces pseudo-entraîneurs ne réagissent pas de la même manière avec les Brésiliens ou autres. La Fifa doit régler ce problème qui, d'ailleurs, ne devrait même pas se poser. Certes, les règlements de la Fifa sont clairs. Le joueur menacé craint aussi de perdre sa place au sein de son club employeur. Justement, du fait que le règlement de la Fifa autorise les joueurs à rejoindre leurs sélections nationales en compétition officielle, je ne comprends pas cette attitude des clubs employeurs. Il faut que la Fifa prenne ses responsabilités. En ajustant la réglementation de façon à sanctionner les clubs financièrement ou par des exclusions, en cas de vraie menace. Car j'estime que priver un joueur de son équipe nationale est une décision arbitraire et c'est un acte très grave et bien condamnable. Que pensez-vous de l'affaire Lacen? Je me suis déjà exprimé sur le sujet et je pense que vu sa valeur, Lacen doit être convoqué en Equipe nationale. Honnêtement, si un joueur peut ramener le plus qu'il faut, il n'y a pas matière à hésiter de le convoquer. Maintenant, concernant les tenants et les aboutissants de cette affaire, seuls le joueur, l'entraîneur de l'Equipe nationale et les responsables de la Fédération algérienne de football peuvent éclaircir la situation. Vous avez été victime d'un choix d'entraîneur, que pensez-vous d'un tel cas pour une phase finale d'une compétition comme la CAN ou le Mondial? Des erreurs, il y en a eu et il y en aura toujours concernant le choix des joueurs en Equipe nationale. Il faut reconnaître que cette situation est vraiment pénible pour un joueur qui, aux yeux de tout le monde, mérite bien d'être en Equipe nationale, mais qui doit se soumettre aux choix de l'entraîneur. Je l'ai bien vécu. J'ai été dans une phase finale du Mondial, mais je n'ai pas joué le moindre match. Il est vrai que c'est un moindre mal, car j'y étais, mais pour quelqu'un qui en sera définitivement privé, c'est très pénible. C'est ça le football. Et là, je dois dire, sans pour autant prendre la défense de Saâdane, que parfois il est vraiment difficile aussi pour un entraîneur de faire un choix. Quelle logique? Je vais vous citer un exemple: le Brésil a bel et bien refait appel à Romario au détriment d'un autre joueur. L'intérêt suprême du pays prime. Mais je comprends, toutefois, la peine du joueur qui en fait les frais. Il y a eu des antécédents et ça continuera tout le temps, c'est le foot. L'EN accuse un retard dans sa préparation par rapport à ses adversaires qui multiplient les stages et les matchs amicaux... Il ne faut pas oublier qu'il n'y pas de date Fifa durant cette période. Il est donc difficile de jouer des matchs amicaux. Et je me demande comment ces équipes se débrouillent. De plus, et c'est le plus important, je crois que c'est le choix de l'entraîneur qui ne veut pas prendre des risques. Il est vrai qu'un match amical avant la CAN aurait pu être organisé, mais l'entraîneur a fait un choix et il faut le respecter. C'est un problème, certes, car contrairement à notre époque, il y a manque de compétition. Nous, on jouait plus de matchs avant la CAN. Tenez, par exemple, avant la phase finale de la CAN de Lagos au Nigeria en 1980, nous avions joué quatre matchs. A cette époque, il n'y avait pas cette histoire de dates Fifa. Et le résultat est là, on est arrivé en finale de cette CAN. Aussi, je pense que l'entraîneur a bien ses raisons pour avoir opté pour un regroupement seulement. Il est mieux placé de par son expérience passée pour expliquer ce choix. Et concernant la CAN proprement dite? Vu mon expérience, je dirai que le premier match est plus que déterminant. Il est primordial de gagner ce premier match dans n'importe quelle compétition. La suite dépendra de l'issue de ce premier match. On dit qu'une bonne CAN est le prélude d'un bon Mondial, qu'en dites-vous? Oui. Si on fait une bonne CAN, on fait automatiquement une bonne Coupe du Monde. C'est relatif. J'ai l'extrême conviction que si on faisait une bonne CAN, on ne passera pas du tout à côté lors de la prochaine Coupe du Monde. Voyez les exemples pour mieux comprendre: En Libye, en 1982, nous avions fait une excellente CAN et nous en avions fait de même au Mondial. En Libye, nous avions terminé 4e alors que la Coupe d'Afrique était à notre portée, sans la suspension de Fergani contre le Ghana, alors qu'on menait à 2-1 avant de terminer le match à dix. Et donc, une fois de plus, je dirais que la CAN ouvre bien les portes du Mondial. Une qualification à la Can et au Mondial, un titre régional pour l'Entente de Sétif, mais est-ce à dire que notre football est vraiment en progrès? Il faut être franc. J'estime que ces résultats ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt. Il ne faut pas se voiler la face. Notre championnat d'Algérie doit vraiment progresser, car j'estime qu'il est tout juste moyen pour ne pas dire autre chose. Même si deux ou trois équipes peuvent nous valoir des satisfactions, cela ne veut pas dire qu'on est arrivés. La Champion's League africaine, par exemple, est très loin de nos clubs. Il faut prendre ce paramètre en jeu. Notre football a besoin d'une réforme, d'une restructuration profonde. Nos clubs se débattent dans des crises financières. Le problème des infrastructures est toujours d'actualité, etc. Une nouvelle stratégie s'impose. Et pour conclure, je dirais que ces résultats positifs acquis pourraient permettre aux responsables de redynamiser le football dans le bon sens.