«Les décideurs nous disent: Vous êtes des pompiers, faites votre travail et taisez-vous. Mais encore faudrait-il qu'il y ait de l'eau.» C'est en ces termes très crus que s'est exprimé hier le patron de la Centrale Ugta lors de la rencontre qu'il a eue avec les représentants des organisations patronales en prévision de la tenue de la conférence sociale et économique, prévue d'ici à la fin du mois d'octobre prochain. Sidi Saïd, qui a tenu à faire un mea culpa public par rapport à toutes les concessions déjà faites au pouvoir, a particulièrement insisté sur le fait que «plus un seul pouce de terrain ne sera cédé». Sidi Saïd, particulièrement en colère, prêt à en découdre avec les pouvoirs publics, accusés au passage d'être complètement coupés des réalités du terrain, a rappelé que «les tripartites avaient commencé en 94, quand le pétrole était à moins de 10 dollars et que les compressions n'avaient pas encore touché 400.000 travailleurs. Cela ne nous avait pas empêchés de décrocher deux augmentations. Or, aujourd'hui que le pétrole est à plus de 25 dollars et que nous avons un matelas de plus de 20 milliards de dollars, les autorités font l'impasse sur ce sujet.» Plus incisif encore, Sidi Saïd a ajouté: «Tous les voyants socio-économiques sont au rouge alors que même les fameux 525 milliards destinés au soutien à la relance économique ne donnent pas le moindre résultat palpable.» L'Ugta, avec l'aide très probable des plus importantes organisations patronales, a l'intention de s'opposer avec toute la force nécessaire aux «éformes dites de troisième génération, c'est-à-dire les privatisations». L'Ugta, désormais, ne cédera plus un seul pouce de terrain. Usant à souhait d'un langage d'une crudité sans précédent, Sidi Saïd a reconnu que «l'Ugta a joué le rôle de strapontin, de pompier, pour tous les pouvoirs qui se sont succédé à la tête de l'Etat algérien depuis de trop nombreuses années, le tout au nom des intérêts suprêmes de la nation. Les décideurs nous disent: ‘‘ Vous êtes des pompiers, faites votre travail, et taisez-vous.'' C'est bien. Mais encore faudrait-il qu'il y ait de l'eau.» Tout en affirmant s'exprimer sans colère ni passion, avec une lucidité extrême, le patron de la Centrale a indiqué que «l'Algérie se trouve au bord du précipice en matière de constats socio-économiques. Or, l'actuel programme ne vise rien moins qu'à lui faire franchir le pas fatidique. Ce serait criminel que de ne pas s'y opposer». Conscient que ce genre de déclarations n'est plus pris au sérieux par l'opinion, même si les choses paraissent sérieuses depuis que Sidi Saïd a retrouvé le chemin des usines, il ajoute: «Même si l'Ugta voulait arrêter les choses, elle n'y arriverait plus. Les choses peuvent éclater n'importe où et à n'importe quel moment. La jeune génération ne pourra plus se satisfaire de fausses promesses et de sacrifices toujours recommencés.» S'agissant de la conférence socio-économique, première du genre, elle regroupera tous les acteurs sans exclusive. Le gouvernement y sera convié lui aussi. Elle servira à dégager des propositions sérieuses, concrètes et réalisables suivant les visions des acteurs sur le terrain afin de sauver ce qu'il y a encore à sauver, et de relancer enfin l'outil de production en même temps que l'économie nationale. Le document final, qui ne cherche pas à s'imposer, se voudra être une alternative aux «dégâts» causés par l'actuelle politique socio-économique. Plutôt que de verser dans l'opposition pure et dure, cette nouvelle alliance cherche, au contraire, à devenir un contrepoids constructif et crédible.