Le colloque scientifique sur la vie et l'oeuvre de Kateb Yacine a démarré hier à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri, en présence de plusieurs personnalités. Mais c'est Fatiha Kateb, soeur du romancier, qui a le plus attiré l'attention des présents, particulièrement après sa longue communication où elle s'est étalée sur la vie familiale que menait l'auteur de Nedjma depuis son enfance jusqu'au jour de son décès, le 29 octobre 1989. Après la conférence, elle nous a accordé cet entretien. L'Expression: Pouvez-vous nous donner votre appréciation par rapport aux hommages qui sont rendus ces derniers temps à votre frère? Fatiha Kateb: Il n'est jamais tard pour bien faire, et il vaut mieux tard que jamais. Je suis très heureuse d'être en Kabylie. Cette région est très importante pour nous. C'est le berceau des ancêtres. Il est important de commémorer dans cette région et de cette manière le 20e anniversaire de sa mort. Nous avons rencontré beaucoup de ses amis ici, beaucoup de gens qui aiment la personne de Kateb Yacine, son travail et son combat. Je suis profondément émue de voir qu'il y a tant de jeunes présents pour témoigner de Kateb Yacine. Par delà leurs écrits et leurs paroles, leurs interventions, ils le font vivre à travers l'espace et le temps. Vous êtes dans une ville qui respecte beaucoup Kateb Yacine. La preuve, son théâtre porte son nom. Qu'est-ce que cela vous fait de commémorer le 20e anniversaire ici? La famille de mon père a choisi la Kabylie pour nous élever. Nous sommes une famille des Béni Keblout qui vient de l'Est. Mon père ayant été nommé en petite Kabylie l'a choisie pour y vivre et élever ses enfants. Mon père est d'ailleurs enterré en Kabylie. Cela résume toute la symbolique que revêt la tenue de ce colloque à Tizi Ouzou. A l'instar d'autres écrivains algériens aujourd'hui disparus, on constate l'indisponibilité des livres de Kateb Yacine dans les librairies algériennes. La version de Nedjma qui circule dans les librairies est piratée. En tant que famille, ne pouvez-vous pas intervenir afin que l'oeuvre de Kateb Yacine soit disponible et mieux respectée? Le seul ayant droit universel du patrimoine de Kateb Yacine est son fils Amazigh. Effectivement, j'ai été étonnée de ne trouver aucun de ses livres en vente dans les librairies d'Alger, d'Oran et de Annaba. Ceci m'a vraiment désolée. Kateb Yacine est grand partout, mais presque rien dans son propre pays. Qui est responsable de cet état de fait, d'après vous? La responsabilité incombe au ministère de la Culture. Je n'attaque pas les personnes. Avant d'importer des livres d'Egypte, du Liban, de Syrie et j'en passe, il aurait mieux valu promouvoir d'abord les oeuvres des écrivains algériens et particulièrement Kateb Yacine, puisqu'il est maintenant entré dans l'universalité. A l'étranger, il y a des rues qui portent son nom, il y a des édifices qui portent son nom, il est étudié à l'Ecole normale supérieure en France. Et ici, on se contente de le mettre au collège, dans une petite lecture au lycée. Je déplore cette situation. Sur un autre chapitre on ne trouve aucune traduction des oeuvres de Kateb Yacine dans les librairies, ni en tamazight ni en arabe, tandis qu'il est traduit dans plusieurs langues... Effectivement, il est traduit à l'étranger en une quinzaine de langues, mais pas en arabe et en tamazight. Il y a eu une seule traduction de Nedjma en Syrie. Est-ce que sa famille ne pourrait pas jouer un rôle dans ce sens? Sa famille n'est constituée que de deux soeurs et de son fils. Moi, j'ai 70 ans. Nous ne sommes pas habilitées à mener ce genre de recherche puisqu'il y a son fils Amazigh. J'ai rencontré dernièrement Amazigh et on devrait se revoir dans une semaine. Nous allons en parler justement. Je vais voir s'il peut me donner l'autorisation afin de procéder à des investigations. J'ai demandé audience à la ministre de la Culture pour lui parler de l'indisponibilité des oeuvres de Kateb Yacine en Algérie.