La dernière instruction du ministre français de l'Intérieur, Brice Hortefeux, plaçant l'Algérie dans la liste des pays à risque au même titre que le Yémen et l'Afghanistan, n'est pas faite pour dégeler le climat de tension. Annoncée par le président français, Nicolas Sarkozy, vers la fin 2008, la visite du Président Abdelaziz Bouteflika à Paris n'a toujours pas eu lieu. Pour le moment, rien ne présage un prochain déplacement du chef de l'Etat en l'Hexagone, en dépit des dernières affirmations de l'ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, qui a laissé récemment entendre que «Paris attend toujours la visite du Président Bouteflika». Malgré cela, les sujets de discussion ne manquent pas entre Alger et Paris. Les malentendus aussi: l'affaire des moines de Tibhirine, l'arrestation à Marseille du diplomate algérien Hasseni, l'avenir des investissements français, les contrats militaires et infrastructurels, la question sahraouie et la curieuse position de Paris sur un dossier relevant de la décolonisation comme clairement prôné par l'ONU, l'immigration et l'avenir de l'Union pour la Méditerranée (UPM) que Paris souhaite relancer et, bien sûr, last but not least, la visite annoncée mais à chaque fois reportée du Président Bouteflika à Paris. Pour les deux pays qui ont beaucoup de choses à se partager, sinon à se dire, l'année écoulée a été un ratage total. Ainsi, le report de la visite à Paris du chef de l'Etat, moult fois annoncée, prouve que le froid entre les deux capitales s'est installée dans la durée. Depuis quelques mois, les relations bilatérales traversent une nouvelle période de tensions. Malgré les démentis et les usages diplomatiques, afin de ne pas trop envenimer les relations entre les deux pays, les sujets de friction se multiplient entre Alger et Paris. Les deux capitales entretenaient déjà depuis plusieurs années des relations conflictuelles malgré toutes les tentatives de rapprochement en raison, notamment, des questions liées à la mémoire, la circulation des personnes et le Sahara occidental. Alger et Paris éprouvent des difficultés à relancer leur relation et la dernière instruction du ministre français de l'Intérieur, Brice Hortefeux, plaçant l'Algérie dans la liste des pays à risque au même titre que le Yémen et l'Afghanistan, n'est pas faite pour dégeler le climat de tension. En outre, la «trahison» de la France, qui avait négocié des contrats avec l'Algérie mais qu'elle a signés avec d'autres pays, n'est toujours pas digérée par Alger. En effet, jusqu'à présent, les opérations des entreprises françaises en Algérie restent très limitées. Ayant compris les fausses intentions des opérateurs français, Alger a décidé de recentrer ses intérêts en s'éloignant de plus en plus de Paris et de ses illusions. C'est ainsi que le gouvernement algérien a décidé de mettre de l'ordre dans l'investissement étranger en l'orientant vers des secteurs dont l'Algérie a besoin et casser l'image que l'on se fait d'elle de simple marché pour écouler la marchandise des autres. En effet, le Président Bouteflika a accepté l'invitation du Roi d'Espagne, Juan Carlos. La visite est prévue pour jeudi. Nul doute que Bouteflika se tourne vers Madrid. Au cours de son séjour ibérique, le Président Bouteflika évoquera avec le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, plusieurs dossiers d'actualité et d'intérêt commun, notamment la lutte antiterroriste et la coopération énergétique. Mettant à profit son excellente santé financière, Alger explore toutes les possibilités d'un partenariat renforcé et mutuel. Pour les Espagnols, la sécurité énergétique de l'Europe, dont ils assurent actuellement la présidence de l'Union européenne, dépend en partie de la stabilité et du développement de l'Algérie - cinquième producteur mondial de gaz - et Alger, en raison de la place stratégique qu'elle occupe dans le Bassin méditerranéen, veut jouer un rôle en équivalence. En outre, la relance de la coopération financière et commerciale algéro-américaine, qui s'est traduite par la signature de plusieurs accords-cadres prévoyant de doubler le volume des échanges entre les deux pays, à 8 milliards de dollars, dans les prochaines années, n'est pas pour plaire à Paris. D'autant que le Président Bouteflika avait indiqué, lors de son voyage à Washington en 2001, que «l'Algérie ne concéderait aucun privilège particulier à qui que ce soit». Un langage très apprécié, alors, dans la capitale fédérale où l'on ne se fait pas prier pour pourfendre le supposé «précarré» français en Afrique et au Maghreb. De ce fait, en tentant d'instrumentaliser la particularité des relations algéro-francaises, Nicolas Sarkzoy aura fait tout faux et mis à sec ces relations en pleine incertitude. C'est un peu, l'arroseur arrosé.