Comme redouté, c'est à l'étape sensible du règlement des contentieux sur la liste électorale provisoire que les choses se sont gâtées. Le processus électoral censé permettre d'en finir avec les heures sombres que vit la Côte d'Ivoire depuis 2002 est de nouveau à la peine, avec la crise ouverte ce week-end entre le président Laurent Gbagbo et la commission électorale, accusée de «fraude». Comme redouté, c'est à l'étape sensible du règlement des contentieux sur la liste électorale provisoire que les choses se sont gâtées. Lancée fin novembre, cette phase vise à statuer sur le sort d'environ 1,033 million de «cas litigieux» figurant parmi les quelque 6,4 millions de personnes recensées en vue de l'élection présidentielle, reportée six fois et désormais prévue pour «fin février-début mars». Samedi soir, le président Laurent Gbagbo s'est livré dans un communiqué à un réquisitoire contre la Commission électorale indépendante (CEI), qu'il a accusée de «fraude». En cause: des recherches effectuées en dehors des procédures normales, qui devaient permettre d'«intégrer d'office» 429.000 personnes de la liste litigieuse à la liste électorale définitive, d'après le chef de l'Etat. «On fait du bruit pour rien», a réagi dimanche le porte-parole adjoint de la commission, Yacouba Bamba, en réfutant ces accusations. Composée de représentants des principaux partis politiques et dominée par l'opposition, la CEI avait en effet produit «en interne» un document proposant de valider «quelque 400.000 personnes» selon des critères élargis, mais elle a «elle-même décidé de ne pas l'utiliser», a assuré M.Bamba. Selon lui, quelque 465.000 requêtes ont été agréées suivant la procédure normale parmi les 1,033 million de «cas litigieux». Interprétant les attaques actuelles contre sa structure, M.Bamba a estimé que l'étape de la liste provisoire était la dernière pour «bloquer et retarder les élections». L'opposition a enfoncé le clou: le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci), dont est issu le patron de la CEI, Robert Beugré Mambé, de même que Alassane Ouattara, candidat du Rassemblement des républicains (RDR), ont accusé Laurent Gbagbo de chercher à «retarder le processus». Le règlement des contentieux était considéré comme potentiellement explosif car il concerne en priorité les personnes dont la nationalité ivoirienne n'est pas avérée, leur nom ne figurant sur aucun des registres administratifs jugés fiables. La question identitaire reste au coeur de la crise ivoirienne déclenchée en 2002 par le coup d'Etat manqué de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN). Depuis des mois, les grands partis s'accusent mutuellement d'avoir fait inscrire sur la liste électorale des étrangers. Et maintenant? Si M.Gbagbo s'est gardé d'évoquer une démission de M.Mambé, d'autres dans son camp la réclament, comme Pascal Affi N'Guessan, numéro un du Front populaire ivoirien (FPI, parti présidentiel). Quant au chef des «patriotes», Charles Blé Goudé, il a exigé une «dissolution pure et simple» de la CEI et l'arrestation de son président. Dans l'entourage du Premier ministre Guillaume Soro, secrétaire général des FN, on se veut cependant apaisant. Le chef du gouvernement annoncera en début de semaine de «grandes mesures» pour remettre le processus sur les rails, indique-t-on, ajoutant qu'en raison des suspicions il faudra «vérifier tout le travail» déjà fait par la CEI durant le contentieux. A l'issue d'une rencontre à Ouagadougou avec le «facilitateur», le président burkinabé Blaise Compaoré, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a déclaré dimanche espérer un «déblocage» prochainement.