La contestation sociale se poursuit toujours, même si à Rouiba les choses sont rentrées dans l'ordre. Le ministre du Travail, Tayeb Louh, et le secrétaire général de l'Ugta, Abdelmadjid Sidi Saïd, étaient tout contents d'annoncer jeudi dernier que la grève à la zone industrielle de Rouiba a pris fin après 10 jours de cessation d'activité. L'information était censée apporter la preuve d'un retour au calme sur le front social. Par la même occasion, il s'agissait de reléguer au second plan les conflits qui restent toujours latents. C'est le cas dans le secteur de l'éducation et celui de la santé. Mais même au niveau des entreprises économiques, la situation n'est pas plus reluisante.La grève à ArcelorMittal de Annaba, observée depuis mardi dernier par les travailleurs du complexe sidérurgique, se poursuit toujours. De son côté, le Conseil des lycées d'Algérie ne compte pas lâcher prise si facilement et il a annoncé aussi un durcissement de son mouvement. A Annaba, les travailleurs ont l'intention de poursuivre leur mouvement jusqu'à la satisfaction des revendications liées au plan d'investissement de l'usine. C'est le secrétaire général du syndicat d'entreprise, M.Smaïn Kouadria, qui a adopté cette position hier lors d'une conférence de presse. Curieusement, l'Ugta et encore moins les autorités en charge du secteur industriel ou des relations de travail ne soufflent mot sur le sujet. Cela pourrait s'expliquer par le fait qu'ArcelorMittal appartient à un privé, de surcroît étranger. Mais une société nationale garde toujours 30% de ses actions. On pourrait aussi être tenté d'avancer que le fait que le conflit se déroule en dehors de la capitale n'intéresse que très modestement tous ceux qui sont prompts à saisir au vol tout événement pour distiller leurs théories. D'ailleurs, le ministre du Travail crie au scandale et souligne que les travailleurs sont manipulés. A comprendre par là qu'ils sont mineurs et incapables de discernement. Heureusement que la tutelle syndicale était là pour déjouer le complot, semble suggérer le ministre. Toutefois, ces déclarations ne sont pas suffisantes pour cacher les vraies raisons de la grogne sociale. Les travailleurs veulent seulement et légitimement disposer de quoi nourrir leurs familles et non des mots ou des chiffres alignés depuis des années pour vanter les mérites d'un système économique et social dont presque personne n'entrevoit les retombées sur le quotidien. Pour revenir à l'exemple d'ArcelorMittal, c'est la revendication d'un engagement officiel des dirigeants de l'usine et du gouvernement algérien, pour la concrétisation du plan d'investissement global pour la réhabilitation de la cokerie, qui est mise en avant. Cette dernière ne fait pas partie du coeur du métier, s'accordent à dire le syndicat et la direction qui est d'accord pour poursuivre ses négociations. Derrière la demande du syndicat, c'est le maintien des postes d'emploi qui est visé. Et par là, une source de revenus. C'est la preuve que ce ne sont pas les menaces pesant sur l'outil de production qui manquent. Et les 7200 salariés du complexe sidérurgique entrevoient une escalade de leur action. La fermeture de la cokerie, employant 320 salariés, dont la rénovation coûterait 40 millions de dollars, donnerait un coup fatal à l'emploi. C'est presque le double de travailleurs qui ont perdu leur emploi dans une biscuiterie à l'ouest d'Alger depuis quelques mois sans que les chantres du libéralisme n'élèvent la voix pour s'inquiéter de la situation. Ce silence s'explique aisément. Personne ne veut se faire l'écho des événements qui viennent troubler un semblant de quiétude générale.