Mohamed Chelali, car c'est de lui qu'il s'agit, s'est déclaré très déçu par certains titres bien connus de la presse algérienne. Le Franco-Canadien, d'origine algérienne, qui se trouve derrière le sauvetage spectaculaire et fortement médiatisé du président Chirac, était l'invité de notre rédaction. Il a commencé, d'entrée de jeu, par féliciter notre journal pour «avoir été le seul à lui avoir accordé la place médiatique qui devrait être la sienne». Très sympathique, peu soucieux de tirer le moindre dividende personnel de son geste qu'il juge «parfaitement naturel», Mohamed Chelali déplore, au contraire, le fait que des pays comme le Canada et la France, qui n'en ont pas besoin, aient monté en mayonnaise la bravoure de l'un des leurs alors que l'Algérie, qui en a tant besoin, n'ait pas jugé utile de le faire ce qui constitue un comble. Notre hôte nous apprend, ainsi, que outre l'appel de Chirac en personne, le Premier ministre canadien, Jean-Louis Chrétien, en a fait autant pour lui dire combien ce pays se sentait fier et honoré par son acte . Côté algérien, il a fallu attendre plus d'une semaine pour qu'une source autorisée, une de plus, l'appelât, au nom de la présidence, pour le féliciter et lui demander s'il n'avait besoin de rien. Mohamed Chelali, qui a reçu la médaille du mérite de la part du préfet de Paris et qui a refusé de signer un contrat publicitaire avec l'agence Sigma pour ne tirer aucun profit pécuniaire de son acte, se dit «choqué par le comportement de certains titres de la presse algérienne», des titres qu'il n'a pas hésité à citer nommément. «Ces journaux, explique-t-il, qui ont accordé une place de choix à l'interpellation de Rassam, vivant à Vancouver comme moi, ont observé un silence troublant par rapport à ce sauvetage. Pis encore, ces journaux, que tous les Algériens vivant au Canada suivent sur le net, donnent une image extrêmement négative du pays.» Notre interlocuteur, à ce sujet, a estimé que «même si la critique est une chose positive, à préserver absolument, elle ne doit pas non plus servir à ternir sciemment l'image de marque de ce pays». Pis encore, il nous révèlera que l'un de ces journaux a franchi le Rubicon en publiant un entretien qu'il aurait eu avec lui alors qu'il ne l'a jamais contacté. Mohamed Chelali, type même de l'aventurier qui ne tient pas en place, a fait pratiquement le tour du monde, avant d'accéder à une réussite sociale et professionnelle que lui envieraient pas mal de personnes. Cela ne l'empêche pas de demeurer extrêmement modeste. Particulièrement attaché à son pays et à son terroir, il s'est juré de permettre à ses enfants, ainsi qu'à sa femme, de venir passer plusieurs années en Algérie avant de s'y établir définitivement un jour, lorsque les conditions le lui permettront. En attendant, il continue à sillonner le monde, dans une indicible et inassouvie quête. A propos de son héroïque geste, Chelali indique qu'il est symbolique à plus d'un titre. En effet, il ne devait pas se trouver à Paris avant le 15 juillet. Un bien curieux hasard l'y a conduit un jour à l'avance, l'a placé à quelques mètres du tueur, lui a permis de le maîtriser et de l'immobiliser pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que les policiers arrivent sur place, ce qui a fait qu'un Algérien sauve le président Chirac qu'un type de l'extrême droite voulait assassiner afin de créer une grave crise institutionnelle après l'historique plébiscite du président français contre la montée de la xénophobie dans l'Hexagone.