Le duel entre Viktor Ianoukovitch et la Première ministre Ioulia Timochenko s'annonce tendu au deuxième tour de l'élection présidentielle ukrainienne, même si l'opposant prorusse dispose d'une nette avance au premier tour, selon des résultats partiels publiés hier. Viktor Ianoukovitch a obtenu 35,39% des suffrages dimanche et Mme Timochenko, égérie de la Révolution orange prooccidentale de 2004, 24,97%, selon des résultats officiels portant sur 90% des bureaux de vote. Derrière eux, l'ex-banquier Sergui Tiguipko qui a travaillé dans les deux camps avant de faire cavalier seul, se retrouve de fait avec 13,07% des voix en position de «faiseur de roi». Il a refusé de donner des consignes de vote pour le deuxième tour, affirmant qu'aucun des deux candidats en tête n'incarnait le «changement». Quoi qu'il en soit, son électorat sera très courtisé d'ici au 7 février. Il est suivi de l'ancien président du Parlement Arseni Iatseniouk (6,98%) et du président sortant Vikto Iouchtchenko, héros de la Révolution orange, lourdement sanctionné par les électeurs avec un maigre score de 5,42%. Ses compatriotes ne faisaient pas mystère ces derniers mois de la profonde déception qu'ils ressentaient à l'issue de sa présidence. Les deux adversaires encore en lice se sont déjà déclarés certains de la victoire finale. «M. Ianoukovitch qui représente les cercles criminels, n'a aucune chance», a lancé dimanche soir, la Première ministre, tout de blanc vêtue, sa célèbre natte enroulée sur la tête. M. Ianoukovitch lui a rendu la politesse, estimant que sa rivale paraissait «au désespoir» et que le premier tour avait viré au «référendum» contre le camp orange. M. Ianoukovitch apparaît désormais à même de prendre sa revanche après l'invalidation pour fraudes de sa victoire à la présidentielle, lors de la Révolution orange, et l'avènement au pouvoir de son rival Viktor Iouchtchenko. Mais en dépit de son avance, le deuxième tour n'est pas encore joué, les analystes estimant que Mme Timochenko, connue pour sa combativité et le dynamisme de ses campagnes, peut encore combler son retard en ralliant, notamment les indécis. Au premier tour, la participation a atteint 66,44%, selon des chiffres provisoires, soit un net recul par rapport à 2004 (77%). Les abstentionnistes peuvent-ils encore se laisser séduire par un candidat ou l'autre au second tour? «Tout dépendra de la manière dont la campagne est menée», a estimé Volodymyr Fesenko, directeur du Centre d'études politiques ukrainien Penta, sur la radio Echo de Moscou. Selon lui, Ioulia Timochenko va jouer à fond sur le passé judiciaire de son adversaire, condamné à deux reprises dans sa jeunesse pour vol et coups et blessures. «Elle va dire que c'est une honte de voter pour un tel candidat, mentionner son faible niveau d'éducation», estime M.Fesenko. Si le premier tour semble s'être déroulé sans anicroche majeure, la campagne électorale qui l'avait précédé avait déjà été jugée parfois nauséabonde, marquée par une série de scandales financiers et sexuels. Le deuxième tour pourrait s'avérer encore plus tendu. Le Parti des régions de M. Ianoukovitch affirmait hier que son site Internet était la cible de hackers depuis dimanche soir et qu'il avait déjà été bloqué plus de deux heures. Il a rassemblé environ 2000 de ses supporters devant la Commission électorale centrale hier pour «défendre» la victoire de son candidat. Réunis dans le calme par une température glaciale, les manifestants brandissaient les drapeaux bleus de leur parti.