Les conservateurs ont eu leur revanche sur les initiateurs de la révolution orange. Fin 2004, alors candidat du pouvoir, Viktor Ianoukovitch avait été élu président grâce à des fraudes massives, avant d'être balayé par un mouvement populaire inédit soutenu par les Occidentaux. On l'a surnommé alors la révolution orange. La victoire de Viktor Ianoukovitch au second tour de l'élection présidentielle ukrainienne, le dimanche 7 février, a été accueillie comme une évidence par les partisans du candidat pro-russe. Cette fois, la performance du leader du Parti des régions (PR) est appréciable. Les différentes estimations donnaient M. Ianoukovitch gagnant dès 20 heures avec un écart compris entre 3 et 6% sur le Premier ministre, Ioulia Timochenko. Celle-ci a refusé de concéder sur-le-champ sa défaite. Son camp dénonce des falsifications et des intimidations contre ses représentants dans les commissions électorales des régions de l'Est et du Sud-Est. Hier, après le dépouillement de 93,78% des bulletins, la Commission électorale centrale plaçait M. Ianoukovitch en tête avec 48,35%, contre 46,02% pour son adversaire alors que 4,43% des électeurs ont voté contre les deux candidats. Une courte victoire, mais elle permet de replacer les conservateurs aux commandes de l'Etat. Le petit écart entre les deux candidats permettra toutefois à Timochenko de prétendre à constituer une forte opposition. Le taux de participation s'est élevée dimanche à 69,07%, contre 66,76% le 17 janvier. Elle a été très forte dans les régions de l'Est, fief des conservateurs, où la discipline de vote a joué à plein pour M. Ianoukovitch. Dans les régions ouste, c'était plutôt en faveur de Ioulia Timochenko considérée comme la parfaite vigie de l'identité nationale. Mais partout ailleurs, la déception des «orangistes» a détourné des urnes de nombreux électeurs. Viktor Ianoukovitch a misé toute sa campagne sur ce rejet, en plaçant le mot «stabilité» au centre de ses discours électoraux. En renvoyant M. Ianoukovitch en 2004, les partisans de la révolution orange voulaient en finir avec les dérives de la présidence de Léonid Kutchma. Dimanche, c'est leurs échecs qui ont suscité le vote sanction des électeurs ukrainiens. Ces derniers ont exprimé leur colère à l'égard des luttes incessantes au sein du camp orangiste. La violence de la crise économique et l'incapacité à la surmonter a également alimenté le désir d'alternance. Dimanche soir, M. Ianoukovitch a invité Ioulia Timochenko à la démission et l'a appelée à se plier au suffrage universel. «Je voudrais dire qu'évidemment, dans ces élections, Timochenko a montré qu'elle était un rival et un adversaire fort», a-t-il tout de même reconnu. Du côté de Ioulia Timochenko, qui a contesté la régularité du scrutin, ce sera difficile de mobiliser la population. Le directeur de campagne de Mme Timochenko, Alexandre Tourchinov, évoquait prudemment, dimanche, la nécessité de se livrer à «une expertise juridique» sur les suites à donner aux «très nombreuses falsifications». Le seul recours restera pour elle la Haute Cour administrative, dont le président aurait dû quitter ses fonctions il y a un an. La bataille entre les deux camps se jouera au Parlement, selon les observateurs. Mme Timochenko est censée y disposer d'une courte majorité. Le Parti des régions de Ianoukovitch veut un vote de défiance contre Mme Timochenko, pour accélérer son départ et espère, par la suite, former une majorité solide. S'il n'y parvient pas, Mme Timochenko restera en place par intérim, dans une cohabitation assez difficile. Les prochaines législatives sont prévues en septembre 2011. Pour l'heure, il n'est pas question d'élections anticipées, qui ne garantiraient pas un succès au PR. G. H.