Le climat est de plus en plus tendu en Côte d'Ivoire où la confection des listes électorales est devenu un véritable casse-tête aggravé par l'intervention de la justice, un jeu politique altéré La justice ivoirienne a donné raison vendredi au président Laurent Gbagbo en concluant à des «fraudes sur la liste électorale», tandis que des procès pour radiation de cette liste d'étrangers présumés ont suscité des tensions dans le pays. De Ouagadougou, le Premier ministre Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), a lancé un «appel au calme» et sollicité l'aide du président burkinabé Blaise Compaoré, «facilitateur» de l'accord de paix signé en 2007. Il a promis des «solutions» pour «relancer» le processus électoral en vue du scrutin présidentiel, reporté depuis 2005 et censé clore la crise née du coup d'Etat manqué de 2002. Ce processus est bouleversé depuis un mois par une polémique autour de la Commission électorale indépendante (CEI), suivie depuis mi-janvier d'une enquête ouverte sur instruction du ministre de l'Intérieur Désiré Tagro, proche de M.Gbagbo. L'enquête montre l'existence de «fraudes commises sur la liste» des votants par le président de la CEI, Robert Beugré Mambé, et plusieurs de ses collaborateurs, a déclaré le substitut du procureur d'Abidjan, Mamadou Diakité. «Certaines» personnes figurant sur un fichier de 429.000 personnes élaboré en dehors des procédures normales «ont été inscrites directement sur la liste électorale définitive», notamment à Abengourou (est) et Tengrela (extrême-nord), a-t-il affirmé. L'enquête conforte le chef de l'Etat, qui le 9 janvier avait ouvert les hostilités en accusant la CEI de «fraude» et «manipulation». Depuis lors, le camp Gbagbo n'a eu de cesse de réclamer la démission du patron de la CEI, qui appartient à l'opposition. M.Mambé a récusé toute fraude, la jugeant «matériellement et techniquement pas possible». Le fait que le fichier litigieux - un document interne de travail, selon lui - se soit retrouvé dans les antennes locales de sa structure est dû à «un dysfonctionnement» qui n'a eu «aucun impact» sur la liste, a-t-il assuré. «Je ne démissionne pas», a-t-il lancé à l'adresse de ses adversaires. En réplique au camp Gbagbo, l'opposition exige le départ du ministre de l'Intérieur, accusé d'«intrusion» pour avoir cherché à reprendre en main le processus électoral, ce qu'il dément. Elle accuse aussi le parti présidentiel de pousser les tribunaux à «opérer des radiations arbitraires, partisanes et illégales» sur la liste électorale, et a appelé ses militants à les en empêcher. Dans l'intérieur du pays, le climat s'est d'ailleurs nettement détérioré au cours des derniers jours. Une série d'incidents ont éclaté autour de procès pour radiation de présumés étrangers de la liste, alors que la question de la nationalité reste au coeur de la crise de 2002. Vendredi à Man (ouest), le tribunal a été saccagé par des manifestants, ont rapporté des témoins. Le procès qui devait avoir lieu concernait «152 personnes qui devaient passer en audience de radiation» pour fraude à la nationalité, a expliqué Maméry Soumahoro, une personnalité de la société civile locale. Au cours de la semaine, Man avait déjà été le théâtre de tensions, ainsi que Katiola (centre) et surtout Divo (centre-ouest), où de violentes échauffourées entre manifestants et forces de l'ordre ont fait plusieurs blessés. La tourmente récente a rejeté dans l'ombre la question du calendrier électoral. Le scrutin reste officiellement prévu pour fin février-début mars. Mais, prenant acte des dernières difficultés, le Conseil de sécurité de l'ONU a réclamé la semaine dernière la tenue de l'élection avant juin.