Les autorités algériennes n'entendent pas se laisser pointer du doigt sur le volet concernant la gestion des cultes. L'ordonnance de 2006 régissant l'exercice des cultes en Algérie sera révisée. C'est ce qu'a indiqué jeudi dernier à L'Expression, le directeur des affaires juridiques du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, Amar Rezki. Cette révision s'inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie de gestion des cultes adoptée par le gouvernement, selon Amar Rezki. On s'achemine vers une loi d'orientation, qui concerne non seulement le culte musulman mais aussi les autres cultes. Aucune date n'est encore fixée pour qu'un projet de loi atterrisse au Parlement. On sait seulement que l'une des étapes visant la préparation du texte a été le colloque sur l'exercice des cultes organisé mercredi et jeudi derniers à Alger par le ministère de Affaires religieuses en marge duquel ont été faites les déclarations de Amar Rezki. Lors du colloque, l'archevêque d'Alger, Mgr Ghaleb Bader, a estimé que l'ordonnance de 2006 reconnaît l'existence d'autres cultes que «le culte musulman et le droit pour les communautés de célébrer librement le leur, ce qui m'a empêché de demander son abrogation». Il n'a pas fallu longtemps au ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah, pour répliquer. «Tout le monde doit appliquer les lois de la République», a-t-il indiqué à L'Expression. Un de ses collaborateurs, l'ancien député Adda Fellahi, explique que Mgr Ghaleb Bader a outrepassé ses prérogatives en critiquant la législation algérienne. Il estime que l'encadrement introduit pas l'ordonnance est nécessaire. D'ailleurs, même le fonctionnement des mosquées est réglementé, a-t-il justifié. «Y a-t-il pour autant quelqu'un qui a crié à la discrimination du peuple algérien?», s'est-il interrogé. Même certains ministres du culte chrétien se sont montrés étonnés après la sortie de Mgr Ghaleb Bader. Mgr Henri Tessier, ancien archevêque d'Alger, ne se serait jamais exprimé de la sorte, nous indique l'un d'entre eux. Comment expliquer alors le coup de gueule de Ghaleb Bader? Ce dernier vient d'une église du Moyen-Orient où les effectifs chrétiens ne cessent de se réduire dans certains pays et où la montée de l'islamisme prend l'allure d'un combat pour la survie. Il se sent alors dans l'obligation de marquer son territoire de peur d'être happé par la population locale. Or, en Algérie, même au plus fort de la guerre de Libération, personne ne s'en est pris aux hommes de religion. S'ils ont été ciblés pendant la période du terrorisme, ils l'ont été presque au même titre que les autres victimes que sont les Algériens musulmans. Il y a toujours des extrémistes pour décrier une religion, que ce soit du côté de chrétiens, des musulmans ou des juifs. D'ailleurs, ces derniers n'ont signalé aucun problème dans l'exercice de leur culte, indique le ministre. C'est ce qui explique que leurs représentants ne soient pas invités lors du dernier colloque. Il peut pourtant y avoir des signes d'animosité vers d'autres cultes, y compris de la part des intellectuels qui sentent qu'il est de leur devoir de placer le prosélytisme sur un pied d'égalité avec le colonialisme et le terrorisme. Que constate Mustapha Badjou, professeur à l'université Emir-Abdelkader de Constantine et originaire de Ghardaïa? Que la tolérance a reculé en Algérie. Selon lui, cette montée de l'intolérance n'est pas propre à l'Algérie. La recherche de l'hégémonie au niveau mondial conduit à exacerber les particularités, dit-il. S'ensuit alors une compétition conduisant chaque communauté à mettre en exergue ses propres convictions tout en minimisant la portée de celles des autres, dit, de son côté, Cheikh Bouamrane, président du Haut Conseil islamique. Ce qui réduit à néant le «dialogue des religions».