Le monde de la littérature en pâtit avec cette triste affaire, jetant en pâture les liens sacrés censés exister entre ces deux chaînons indispensables du monde du livre. Sale temps pour le monde de la culture en Algérie. Civisme où es-tu? Après l'affaire des étudiants «SDF» de l'Isams (Institut Supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audiovisuel), le torchon brûle cette fois entre un écrivain et un éditeur. L'affaire remonte au 4 février dernier. Abderrahmane Zakad est écrivain mais aussi ancien officier de l'ALN et de l'ANP. Dans une lettre adressée à notre rédaction, il fait état de sa mésaventure avec son éditeur Sid Ali Sakhri, qui a tourné à la déconfiture récemment. «J'ai écrit Le Terroriste paru aux éditions Millefeuilles, livre soutenu et aidé par le ministère de la Culture. Depuis un an, j'ai demandé, j'ai écrit, j'ai supplié, j'ai insisté pour que mon éditeur me remette les 15 exemplaires de mon livre auxquels chaque auteur a droit - Pas de réponse depuis un an. Le mépris total», confie-t-il en substance. Et d'ajouter: «Je saisis le ministère de la Culture et l'éditeur en question une dernière fois, avec copie à l'Onda». L'éditeur a paniqué et n'a pas apprécié ma démarche. Il me convoque pour le 4 février 2010. Enfin. Le jour J, Zakad part rejoindre l'éditeur qui se trouve dans son café littéraire «L'île Lettrée». «L'éditeur me fait entrer, me demande de m'asseoir. Je dis, non merci.» L'écrivain refuse de rester dans cet endroit public et propose à son éditeur un lieu plus intime pour débattre de son contrat car confie-t-il, «je ne parle pas du contrat dans un café, on n'est pas à l'aise». Et de renchérir: «Il m'emmène dans un réduit qui n'est autre que la cuisine du café. L'éditeur ferme la porte et me fait face. On se retrouve ventre contre ventre, vu l'étroitesse du lieu.» Il me dit: «Ici ça va?» «Non, ça ne va pas. Ce n'est pas dans une cuisine que je vais parler du contrat et de mon ouvrage». Colère, le ton monte, les bras parlent, puis visage contre visage, sueur, cris, altercation, je ne sais plus ce qui s'était passé. Evanoui, je me retrouve à l'hôpital transporté par les pompiers. Je dois subir une intervention chirurgicale et le médecin légiste m'a établi un certificat de 21 jours avec IPP. Veillant à avoir l'autre son de cloche (incapacité professionnelle provisoire) nous appelons Sid Ali Sakhri, l'éditeur qui nous envoya hier une lettre adressée à l'intention de Mme la ministre de la Culture dans laquelle nous découvrons une version quasiment similaire à quelques différences près. Il indique: «Je lui proposais de rejoindre mon bureau situé à l'arrière du magasin. Arrivés dans ce lieu, il m'obligea à faire quitter ma collaboratrice de cet endroit. Une fois installés, je lui signifie mon désir de résilier le contrat et mon obligation de lui payer ses droits (chèque à l'appui) tout en lui demandant ne pas faire d'esclandre dans cet espace que je construis patiemment depuis des mois. N'ayant pas terminé ma phrase, il se jeta sur moi me déchirant mon tricot, m'assénant deux coups au niveau des oreilles avant de me saisir par les cheveux en criant. Surpris et essayant de me dégager, ma tête heurta violemment son visage. Du sang coula de son nez. Il prit la fuite en vociférant. Arrivé devant l'entrée du café littéraire, il s'affaissa de tout son long devant le regard étonné des personnes présentes. Effrayé par la scène de son corps allongé sur le trottoir, je fis appeler le Samu qui vint 15 minutes après l'appel. Je me suis précipité au commissariat du 8e arrondissement pour relater les faits au niveau de la main courante.» Ce sont là les faits relatés par Sid Ali Sakhri qu'il maintient mordicus, récusant d'emblée les propos accusateurs de Abderrahmane Zakat, qui nous parviendra par ailleurs par mail avec l'image de son visage tuméfié. Qui croire? Bien que notre écrivain, fait -il remarquer, n'a «aucune intention de charger ou de nuire à son agresseur». Cependant, la plainte a été déposée et l'affaire est entre les mains de la justice. «J'ai jugé opportun de m'exprimer afin que notre champ culturel ne soit plus entaché par ce genre de comportements qui nuit aux écrivains, aux éditeurs et aux institutions.» En somme, tous les deux s'accusent mutuellement et c'est le monde de la littérature qui en pâtit et discrédite encore plus nos soi-disant intellectuels. D'un ridicule. Un drôle de quiproquo qui vient encore une fois mettre le doigt sur la fragilité du système culturel surtout en absence de lois concrètes régissant le milieu du livre. Une gestion que d'aucuns qualifient carrément de «banditisme». Où va la culture dans notre pays?