L'artiste de Ghazaouet a fait un sans-faute jeudi soir où il a obtenu un succès éloquent à la veille de son autre spectacle qu'il devait donner au Sheraton d'Oran. Il est venu comme un roi mais humble. Il était là jeudi soir tout fringant dans son beau costume de scène, noir. Le pas sûr et le geste aérien. Avec un soupçon de déhanché insoupçonné. Il n'a cessé d'être acclamé comme une grande star. Lui, c'est Abdelkader Secteur qui, durant une heure et 40 minutes de spectacle au lieu d'une heure et quart -comme il a l'habitude de faire en France- a fait mourir de rire le public venu nombreux s'abreuver de ses paroles et de ses mimiques. Un spectacle hilarant où l'improvisation était aussi au rendez-vous. Mis en scène par Mohamed Hamidi, Vie de chien a largement séduit. Ses fameux sketchs des plus connus sur You tube ont été revisités sous la forme d'un one man show, où sa vie et celle des Algériens ont été déroulées en un éclair, avec beaucoup de «décontract» et d'aisance. Abdelkader reprendra nos tics et tocs en épinglant nos travers et en clouant au pilori certains de nos comportements les plus honnis. En véritable sociologue, Abdelkader Secteur s'évertuera à décortiquer les conduites des Algériens, les plus absurdes aux plus désespérées... Il reviendra sur son fabuleux destin qui l'a amené en 2009 en France, pour la première fois et ce, pour se produire au Jamel comedy club et sur l'accueil chaleureux dont il a fait l'objet, chauffeur et tuti quanti à son service, en l'opposant à l'année 1991, l'année de sa galère et celle de tous les artistes en Algérie. Il décrira avec dérision la longue attente du visa dont lui et son ami H'med souffriront pour l'avoir. On finira par surnommer son ami «Regret...» «Et il se maria même avec le facteur, car en allant toujours le voir à la maison, c'est sa fille qui lui ouvrait la porte» de dira-t-il devant l'hilarité du public. Si certaines choses étaient prises à la franche rigolade, d'autres explications avaient plus un goût amer mais le public continuait à rire à gorge déployée. Comme on dit il vaut mieux en rire qu'en pleurer. En fait, l'idée de ce spectacle baptisé à juste titre Vie de chien est venu pour dissuader les harraga de se lancer dans cette périlleuse aventure sans être sûrs de connaître une meilleure vie, arrivés là-bas. C'est cela le but de notre humoriste qui fera de ce message son cheval de bataille tout en mettant l'accent sur la malvie de nos émigrés. Aussi et pour mieux décrire la situation, c'est à juste titre qu'il expliquera qu'un chien est mieux nanti qu'un sans-papier en France. La preuve: un chien possède tous ses papiers, même un album photo! Le père de Hmed alias Livon Cliff préférait le chien à son fils oisif, au chômage et passant son temps à se plaindre. Dans sa fulgurante histoire basée sur des flash-back de souvenirs et des éléments anecdotiques, Abdelkader durcit le trait de ses personnages, que ce soit physique ou moral des Algériens. Ils sont basanés, hyperbronzés et moustachus parfois, fourbes et passifs, violents même, assez macho, contrairement aux Français qui sont avenants et polis. Pour preuve, ils disent «bonjour», l'ordinateur de bord de leur voiture est tout aussi poli, un peu à l'image de ces citoyens. Ces gens, quand ils meurent «se reposent» auprès du Seigneur et partent dans la dignité et le silence, alors que nous, c'est dans le vacarme et l'hypocrisie de qui prendra la pelle pour jeter un peu de terre sur la tombe du mort pour gagner sa place au paradis... Des sujets forts et percutants qui font mouche. Avec le rire bien évidemment. Abdelkader pique là où ça fait mal et l'on rit encore plus fort. «Rire de nous-mêmes pour se corriger» est sa devise en fait. Se galvaniser aussi, sans doute. Et l'artiste continuait ainsi à improviser et allonger son spectacle au grand bonheur de cette assistance, qu'on aurait dit un enregistrement de sitcom lancé à chaque moment. Non, c'était bel et bien du 100%. Abdelkader Secteur a prouvé qu'il n'avait rien à envier aux showman d'outre-mer. Il a déployé tout son talent de comique en revenant se produire dans son pays par la grande porte, en attendant qu'il soit plus accessible à un large public et à un prix plus raisonnable (300 ou 400 DA au lieu de 2000 DA). Une promesse faite par son manager Karim et les deux boîtes organisatrices de cet événement Thinks Box et Chaos production. Probablement au mois de juin, si tout se passe bien.