Du 16 au 20 février, les brigades de la Gendarmerie nationale ont saisi 173.822 pétards à l'échelle nationale. Le ciel est dégagé. De ses rayons dorés, le soleil inonde les rues et ruelles d'Alger. Une belle journée en perspective. Telle une fiancée qui vient de se faire une beauté, El Bahdja fait un clin d'oeil au printemps. Elle s'apprête à célébrer le Mawlid (la naissance du Prophète Mohammed Qsssl). Pourtant, une ambiance peu ordinaire règne dans la capitale. A deux jours de la fête, les pétards de toutes sortes se font discrets. «Nous faisons face à une campagne d'interpellation et de saisie de la marchandise sans précédent», regrette Yakoub Riadh, un jeune de 17 ans. Le regard vif, cet adolescent guette tel un félin le moindre signe d'une descente des services de sécurité. Fait curieux, ce vendeur vient juste d'installer sa marchandise au marché de Kouba. Il en est à son premier jour. Derrière son étalage, surgit de sa boutique Samir, un pâtissier. Sous sa barbe se cache le visage d'un jeune homme de 34 ans. «L'accalmie que vous constatez n'est que façade», nuance Samir. Selon ce dernier, des événements regrettables se seraient produits au niveau de l'Appreval à Kouba. Une descente de la police aurait allumé la mèche. Dessaisis de leurs marchandises, les vendeurs d'occasion auraient mis le feu aux pneus et barricadé la voie publique. Des scènes similaires ont été signalées dans d'autres placettes et quartiers populaires. C'est le cas à la Place du 1er-Mai et à Bab El Oued. A l'échelle nationale, les brigades de la Gendarmerie nationale ont saisi 173.822 pétards entre le 16 et le 20 du mois en cours. Aussi, les services de sécurité ne sont pas allés de main morte avec la contrebande. Les plus grosses saisies ont eu lieu au sud et à l'ouest du pays. La palme revient à la wilaya d'El Oued avec 46.316 pétards. Cette campagne a dû dissuader plus d'un de verser dans ce commerce illicite et explosif. A la place de l'Horloge de Bab El Oued, les jeux pyrotechniques proposés n'attirent pas grand monde. Au marché de Kouba, les citoyens ont la tête ailleurs. Ils sont préoccupés par la flambée des prix des fruits et légumes. «C'est le feu aux prix. Comment voulez-vous que l'on songe à acheter des pétards ou des feux d'artifices?», s'étonne une dame quinquagénaire, le couffin à la main. Au milieu de la placette, l'heure indique le temps des vaches maigres. Beaucoup de passants cherchent après les prix des fruits et légumes. Cependant, très peu sont ceux qui mettent la main à la poche. Le décor est planté. Les bourses sont asséchées. Et les petites gens n'ont pas le coeur à la fête. «Au lieu de parler de pétards, il est plus utile de s'intéresser à la dérégulation du marché des produits de première nécessité», note un homme, la barbe de trois jours ayant éparpillé ses cendres sur son visage. Aussi, le sens profond de cette fête semble être dilué dans des rituels étrangers à l'Islam. En ce sens, le silence des pétards et autres feux d'artifice semble réjouir plus d'un. «J'ai toujours été contre ces jeux pyrotechniques», affirme K.F., une retraitée de la Fonction publique. Derrière ses lunettes, son regard plonge dans les souvenirs d'antan. Avec nostalgie, elle évoque ceux de son enfance. «A l'époque, nos parents nous réunissaient. Ils nous racontaient la vie du Prophète. Et notre imagination nous emportait loin dans le temps. Nous découvrions l'âge d'or de l'Islam, la religion de la tolérance», se souvient-elle. Soudain, son regard s'enflamme. «Tous ces feux d'artifice me rappellent un rite espagnol célébrant Saint-Jean», déplore la femme revenue à la réalité. Trop beau était le rêve...