Des centaines de lycéens et d'étudiants ont appelé les pays musulmans à rompre leurs relations diplomatiques avec la Confédération helvétique après le discours prononcé par le Guide de la Révolution libyenne. Le référendum suisse du mois de novembre 2009 qui a été sanctionné par plus de 57% de oui et qui interdit désormais la construction de nouveaux minarets, risque de se payer assez cher. La «fetwa» prononcée jeudi, la veille de la célébration du Mawlid Ennabaoui qui correspond à la naissance du Prophète Mohammed (Qsssl), par Mouamar El Gueddafi semble vouloir faire boule de neige. «Boycottez la Suisse: boycottez ses marchandises, ses avions, ses navires, ses ambassades, boycottez cette race mécréante, apostate, qui agresse les maisons d'Allah», le colonel libyen ne pouvait, dans son harangue, avoir de mots plus durs envers sa cible. Des appels repris en choeur quatre jours plus tard, devant l'ambassade de Suisse à Tripoli, par des centaines de jeunes écoliers, d'étudiants libyens et étrangers de confession musulmane. Des mots qui ont fait mouche selon toute vraisemblance et qui ont sans aucun doute touché au plus profond de leur for intérieur la sensibilité, quelque peu malmenée, des communautés musulmanes, particulièrement en Europe, ces dernières années. Profanations des tombes de soldats musulmans dans l'Hexagone qui ont pourtant donné leur vie pour combattre le nazisme et libérer la France. Les caricatures danoises qui visaient le Prophète Mohammed (Qsssl), l'interdiction du port du voile, le débat sur l'identité nationale en France qui a débordé sur la stigmatisation de la communauté musulmane... En signe de protestation et en réaction contre le vote des Suisses qui a interdit l'érection de minarets, la foule en colère a appelé les populations des pays musulmans à ne plus importer de produits en provenance de la Confédération helvétique. A ne pas les vendre ni les consommer. A ne plus emprunter les avions suisses. Le degré des protestations est cependant monté d'un cran au fur et à mesure que montait une pression perceptible qui trouvait sa justification dans cette décision ressentie comme une provocation et qui a été vécue comme une nouvelle agression contre le monde musulman: les manifestants ont purement et simplement appelé les capitales des pays musulmans à rompre leurs relations diplomatiques avec Berne. Sans en arriver à de telles extrémités pour le moment, Tripoli vient d'enregistrer un soutien non négligeable dans le bras de fer qui l'oppose à la Confédération helvétique qui a, étrangement, établi une liste de ressortissants libyens dont de hautes personnalités politiques qui seront dorénavant considérées persona non grata sur son territoire. Berne a rajouté sans nul doute de l'huile sur le feu en prenant une mesure aussi discriminatoire. Dans la foulée, la capitale algérienne l'a, sans ambages, condamnée et apporté officiellement son soutien à la Libye. Puis ce fut au tour de Rabat d'annoncer son appui au Guide de la Révolution libyenne. «Le Royaume du Maroc, qui appelle constamment au dialogue constructif pour transcender les crises et différends, exprime son entière et fraternelle solidarité avec la grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste soeur et appelle à oeuvrer dans le cadre du respect mutuel entre les Etats et des us et coutumes internationaux, pour le dépassement de cette situation», a indiqué lundi un communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération. Pour rappel, le différend entre les deux pays qui a pris corps après l'arrestation du fils du colonel El Gueddafi, Hannibal, en juillet 2008, s'est amplifié après que deux ressortissants suisses se soient retranchés à l'intérieur de l'ambassade suisse à Tripoli depuis le 19 juillet de la même année pour échapper à la justice libyenne (voir L'Expression du 27 février). En Suisse et particulièrement à Genève, l'affaire a pris le chemin du règlement de compte au sein de la classe politique qui accuse l'Exécutif d'avoir soutenu les forces de police lors de l'arrestation du fils du Guide de la Révolution libyenne, et les instances judiciaires de traîner la patte dans l'enquête qui touche la fuite des clichés qui ont montré Hannibal El Gueddafi menotté. «Le gouvernement peut intervenir pour déplorer vivement la fuite qui a permis la publication des photos de Hannibal El Gueddafi et affirmer que des mesures administratives seront prises quand le coupable sera retrouvé. C'est quelque chose qu'il peut faire», a déclaré le socialiste Carlo Sommaruga, membre de la commission de politique étrangère du Conseil national. «La responsabilité de l'Etat de Genève est en cause concernant la fuite. Il aurait dès lors dû la critiquer clairement», reproche de son côté Antonio Hodgers, qui exclut toute excuse concernant la diffusion des photos qui ont irrité au plus haut point le leader libyen. «Ce serait céder au chantage de la Libye et s'humilier encore», a estimé le conseiller national vert. Pour faire plier la Confédération, El Gueddafi possède une arme redoutable: les enjeux économiques bilatéraux. Principal partenaire économique de la Suisse sur le continent africain, la Libye a réduit de plus de 80% ses livraisons en or noir vers la Confédération tandis que ses importations ont été réduites de 70% depuis le début de cette crise.