Les relations diplomatiques entre Berne et Tripoli s'enveniment après la décision de la Libye d'imposer un embargo économique et commercial « total » à la Suisse. « La Libye a décidé d'imposer un embargo total sur tous les échanges économiques et commerciaux avec la Suisse », a indiqué le porte-parole du gouvernement libyen. Tripoli a décidé par ailleurs d' « adopter d'autres alternatives en ce qui concerne les médicaments et les équipements médicaux et industriels » suisses importés par la Libye, a-t-il précisé. L'agence libyenne Jana a indiqué, en citant le cabinet du Premier ministre, que cet embargo avait été décidé « en réponse à l'appel » du numéro un libyen, Mouammar Kadhafi, ainsi qu'à « la politique de la Suisse hostile à l'Islam et à ses actions téméraires ». M. Kadhafi avait appelé, la semaine dernière, les musulmans à mener le djihad contre la Suisse, qualifiée de « mécréante et apostate », et au boycott de son économie en réponse à l'interdiction de la construction de minarets dans la Confédération helvétique, approuvée fin novembre par référendum. Les relations entre Berne et Tripoli se sont détériorées après l'interpellation musclée, en juillet 2008 à Genève, d'un des fils du colonel Kadhafi, Hannibal, sur la plainte de deux domestiques l'accusant de mauvais traitements. La Libye avait déjà pris des mesures de rétorsion à l'encontre de la Suisse, retirant ses avoirs des banques suisses et expulsant les sociétés helvétiques installées en Libye, outre l'annonce de l'arrêt de ses exportations de pétrole vers la Confédération. Berne avait répondu par l'adoption d'une politique restrictive de visas Schengen envers les ressortissants libyens. Au total, la Suisse importe chaque année 2,5 millions de tonnes de brut en provenance de Libye. En comptant tous les besoins en produits pétroliers et dérivés (11,5 millions de tonnes annuellement), ce volume ne constitue en fait que 20 % des besoins totaux du pays. Autre manifestation de la crise entre les deux pays, les autorités libyennes avaient arrêté en juillet 2008, deux hommes d'affaires suisses, Rachid Hamdani et Max Gijldi, qui ont été jugés pour « séjour illégal » et « exercice d'activités économiques illégales ». Si le premier a pu quitter la Libye le 23 février après avoir été blanchi, le second purge une peine de 4 mois de prison. Les conséquences de l'embargo économique sur les produits suisses annoncé seront « limitées » dans la mesure où les échanges entre Berne et Tripoli sont déjà très réduits, estimait hier la presse suisse, se montrant particulièrement discrète sur le sujet. « Les dégâts économiques potentiels » de l'embargo total sur tous les échanges économiques et commerciaux avec la Suisse « semblent limités », selon le quotidien francophone 24 heures. Le journal, comme ses concurrents, affirme que les exportations suisses vers la Libye restent une goutte d'eau au regard des échanges avec d'autres pays, notamment européens. Elles se sont élevées en 2009 à 156 millions de francs suisses (106 millions d'euros) alors que la Suisse a exporté pour une valeur totale de 180,3 milliards de francs (122,6 milliards d'euros). Depuis le début de la crise en 2008, les exportations helvétiques vers la Libye ont chuté de 44,7% en 2009 sur un an tandis que les importations libyennes dans la Confédération, constituées essentiellement de pétrole, ont baissé de 78,4%, selon les statistiques des douanes helvétiques.