Rien ne va plus entre la Libye et la Suisse, dont les relations ont atteint un seuil de non-retour, avec cette sortie médiatique inattendue de Mouammar El-Kadhafi dans laquelle il a appelé jeudi à la guerre sainte contre la Suisse en raison de l'interdiction de la construction des minarets dans ce pays. Alors que l'on s'attendait à un apaisement dans les rapports entre la Suisse et la Libye suite à la médiation de l'Union européenne dans l'affaire des visas entre les deux pays, le leader libyen Mouammar El-Kadhafi a donné une autre tournure à la crise ce jeudi en appelant au djihad, la guerre sainte, contre la Confédération Helvétique. Dans un discours prononcé dans la seconde ville du pays, Benghazi, devant des milliers de personnes et en présence de chefs d'Etat et représentants de pays islamiques à l'occasion de la fête du Mouloud, qui commémore la naissance Prophète Mohamed (QSSSL), le chef de l'Etat libyen surprend l'assistance, comme il en a l'habitude, en déclarant : “C'est contre la Suisse mécréante et apostate qui détruit les maisons d'Allah que le djihad doit être proclamé par tous les moyens.” Allant plus loin encore, il dit : “Le djihad contre la Suisse, contre le sionisme, contre l'agression étrangère (...) n'est pas du terrorisme.” Sur sa lancée, il ajoute : “Tout musulman partout dans le monde qui traite avec la Suisse est un infidèle et est contre l'islam, contre Mohammed (QSSSL), contre Dieu, contre le Coran.” S'exprimant en qualité chef du Commandement populaire islamique internationale, qu'il a créé 1991, Kadhafi a ordonné à son auditoire : “Boycottez la Suisse : boycottez ses marchandises, boycottez ses avions, ses navires, ses ambassades, boycottez cette race mécréante, apostate, qui agresse des maisons d'Allah.” Ce discours du leader libyen intervient alors que les négociations entre Berne et Tripoli se poursuivent pour obtenir la libération du second ressortissant suisse, Max Göldi, toujours retenu en Libye. Pour rappel, les relations entre Berne et Tripoli se sont nettement détériorées à la suite de l'interpellation musclée en juillet 2008 à Genève d'un des fils du colonel Kadhafi, Hannibal, sur une plainte de deux domestiques l'accusant de mauvais traitements. “La situation est difficile, elle est délicate”, avait déclaré mercredi la ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey lors d'un point de presse, assurant toutefois que “les négociations continuent, vont de l'avant”. Elle a affirmé que la Suisse travaillait à une “solution politique” pour faire libérer Göldi, qui a été incarcéré lundi. Ce dernier avait été arrêté en même temps qu'un autre Suisse Rachid Hamdani qui, à l'issue d'une longue procédure judiciaire, a finalement été blanchi et a pu quitter mardi dernier la Libye. En revanche, Max Göldi a été condamné à quatre mois de prison ferme pour “séjour illégal”. Mme Calmy-Rey a aussi indiqué que la Suisse maintenait sa politique restrictive en matière d'octroi de visas Schengen à des citoyens libyens. Cette mesure avait provoqué la colère de la Libye qui a décidé, le 14 février, de faire de même avec les Européens, provoquant l'intervention des capitales européennes dans le conflit. Par ailleurs, la Confédération helvétique s'est défendue, jeudi, face à des accusations de Rome, d'avoir utilisé à des fins politiques l'inscription de Kadhafi et de nombreuses autres personnalités libyennes sur la liste noire des personnes ne pouvant plus obtenir de visas pour l'espace Schengen.