A son deuxième jour, la grève des enseignants a atteint le taux de 93% à l'échelle nationale. Le secteur de l'éducation se dirige vers une année blanche. Cette semaine est décisive car une telle éventualité sera confirmée ou infirmée. «Nous abordons une semaine cruciale. C'est un virage décisif. Au-delà, il ne sera plus possible de rattraper le retard accumulé dans les programmes scolaires», a averti Messaoud Boudiba, président du Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest). Joint par téléphone, ce dernier fait endosser la responsabilité de cette impasse au ministère de l'Education. «La tutelle doit proposer des solutions concrètes qui ne prêtent pas à confusion», a insisté M.Boudiba. En attendant, la quasi-totalité des établissements scolaires à l'échelle nationale est à l'arrêt. A son deuxième jour, la grève lancée par le Cnapest et l'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (Unpef) a atteint le taux de 93%. L'ensemble du personnel que compte le secteur est de 500.000 travailleurs. C'est dire que l'Ecole algérienne est à la croisée des chemins. Devant cette situation, «les dernières mesures prises par la tutelle ont semé la confusion parmi le corps des enseignants, notamment celui de l'enseignement secondaire», a déploré notre interlocuteur. Pour sa part, le Conseil des lycées d'Algérie (CLA) menace de renouer avec la contestation. Ainsi, il réaffirme que le début du mois de mars constitue une échéance pour la reprise de la protestation. Dans un communiqué parvenu hier à notre rédaction, le CLA a dénoncé «le silence assourdissant de la tutelle concernant d'éventuelles clarifications quant à la nouvelle fiche de paie, vu l'opacité qui entoure ces augmentations». Le 20 février dernier, le département de Boubekeur Benbouzid avait annoncé une augmentation des indemnités. Cette augmentation varie de 29 à 32%. Il s'agit de 8674 DA pour le maîtrea d'école primaire alors que l'augmentation s'élève à 9533 DA pour le professeur d'enseignement fondamental. Elle est de l'ordre de 10.665 DA pour le professeur d'enseignement moyen. Quant à celle perçue par le professeur d'enseignement secondaire, elle sera de 10.905 DA. Seulement, le flou entoure ces mesures. En effet, le ministère ne porte aucune précision sur la fixation d'un régime indemnitaire à effet rétroactif depuis janvier 2008. Aussi, le département de Benbouzid semble faire l'impasse sur les problèmes de fond dont souffre l'éducation. Lesquels problèmes sont clairement exprimés par les syndicats autonomes. Sur ce plan, le CLA a réitéré ses revendications traditionnelles. Elles portent sur l'augmentation des salaires par la revalorisation du point indiciaire, la révision du statut particulier et la retraite après 25 ans de service. De son côté, le Cnapest réclame l'intervention de la tutelle sur trois dossiers qui concernent le régime indemnitaire, la médecine du travail et la gestion des oeuvres sociales. Toutes ces questions demeurent suspendues. Entre-temps, huit millions d'élèves risquent une année de retard dans leur scolarité. Le temps passe et la situation se complique davantage. Cela donne des insomnies aux parents d'élèves. C'est le cas de Chaâbane S., la quarantaine entamée. Cet industriel a une fille qui doit passer l'examen de 6e. «Ma fille risque d'être pénalisée à cause de cette situation», s'est-il inquiété. La même inquiétude est perceptible chez N.D., 71 ans. «C'est la pagaille qui règne dans le secteur de l'éducation», a affirmé cette dame rencontrée devant le lycée Bouamama (ex-Descartes), sis à El Mouradia, sur les hauteurs d'Alger. Elle est venue chercher sa petite-fille. A l'instar de l'ensemble des établissements scolaires à l'échelle nationale, ce lycée observe un arrêt des cours depuis jeudi dernier. Le même tempo est observé au CEM Pasteur, sis près du tunnel des facultés. Devant la porte fermée de l'établissement, des dizaines d'élèves semblent être en récréation. A l'image de l'Ecole algérienne, ils donnent l'impression d'être livrés à eux-mêmes.