La chancelière allemande a répété la semaine dernière qu'elle reste opposée à une adhésion pleine de la Turquie à l'UE, à laquelle elle préfère la construction d'un «partenariat privilégié». La chancelière allemande Angela Merkel est arrivée hier à Ankara pour une visite jugée délicate du fait de profonds désaccords sur une adhésion de la Turquie à l'Union européenne et sur le dossier iranien. Mme Merkel devait dans la journée s'entretenir avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, le président Abdullah Gül, et le ministre chargé des affaires européennes Egemen Bagis. Ce dernier a affirmé samedi que le «partenariat privilégié» entre l'UE et la Turquie que propose l'Allemagne, «cela n'existe pas, cela n'a pas de fondement légal», plantant le décor de cette visite de deux jours à Ankara, puis Istanbul. Mme Merkel a répété la semaine dernière aux médias turcs et allemands qu'elle reste opposée à une adhésion pleine de la Turquie à l'UE, à laquelle elle préfère la construction d'un «partenariat privilégié». L'Allemagne, tout comme la France, redoute l'arrivée dans l'UE d'un pays de 71 millions d'habitants, presque tous musulmans. La Turquie n'a ouvert jusqu'à présent que 12 des 35 «chapitres» de l'acquis communautaire depuis l'ouverture en 2005 des négociations d'adhésion, et les pourparlers piétinent du fait notamment de la non-reconnaissance par Ankara de la République de Chypre, membre de l'UE. Autre sujet de désaccord, l'Iran, pays frontalier de la Turquie avec lequel Ankara a considérablement amélioré ses relations, ces dernières années. Dans un entretien paru hier dans le magazine Spiegel, M.Erdogan rejette fermement l'idée de nouvelles sanctions contre Téhéran que les Occidentaux accusent de vouloir se doter de l'arme nucléaire. «Nous devons d'abord essayer de trouver une solution diplomatique», estime M.Erdogan, jugeant que «tout le reste menace la paix dans le monde». De son côté, Mme Merkel a réaffirmé samedi la position allemande: «si l'Iran ne fait pas enfin preuve de transparence sur les questions d'énergie nucléaire, nous (devons) aussi réfléchir à des sanctions», a-t-elle dit. Sa visite en Turquie sera «difficile, et il se pourrait même que certaines déclarations jettent une ombre sur les relations bilatérales», déclarait vendredi l'éditorialiste Semih Idiz, du journal Milliyet. Car les deux gouvernements s'opposent aussi sur l'intégration, ou l'assimilation, des trois millions de personnes d'origine turque qui vivent en Allemagne. M.Erdogan qui avait suscité une polémique en 2008 en refusant l'assimilation des Turcs en Allemagne, a réitéré son souhait de créer des lycées turcs dans ce pays. «En Turquie, nous avons des lycées allemands, pourquoi ne devrait-il pas y avoir de lycées turcs en Allemagne?», s'est-il interrogé dans une interview la semaine dernière à Die Zeit. Réponse de Mme Merkel: «Je ne pense rien de bon de l'idée que tous les élèves turcs d'Allemagne doivent aller dans un lycée turc». A Ankara et Istanbul, Mme Merkel et ses hôtes turcs aborderont également un autre volet important, leurs relations économiques. En 2008 le volume commercial bilatéral s'est élevé à près de 25 milliards d'euros (36 milliards de dollars), et plus de 4000 entreprises allemandes travaillent en Turquie ou avec ce pays. Mme Merkel sera accompagnée de responsables d'entreprises, dont la Deutsche Bahn et Airbus. Aujourd'hui à Istanbul, sa visite sera placée sous le signe de la culture et des affaires. Istanbul et Essen (Allemagne) sont cette année capitales européennes de la Culture, avec Pécs (Hongrie).