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Un cinéma, une société, un exemple
CLÔTURE DE LA SEMAINE DU FILM TURC À IBN ZEYDOUN
Publié dans L'Expression le 30 - 03 - 2010

Cette manifestation s'est achevée dimanche dernier, sans grande pompe, devant peu de monde mais des connaisseurs quand même. Un public essentiellement féminin.
L'image semble avoir un impact capital sur la société turque. C'est ce qui ressort des trois films visionnés au cours de cette journée.14h: c'est une scène violente qui ouvre la première séance. Un film rude intitulé Troisième page du réalisateur Zeki Demirkubuz, et datant de 1999. Issa est tabassé car soupçonné d'avoir volé 50 dollars. Excédé par son propriétaire qui lui exige de payer son arriéré de loyer, il lui tire dessus. Les policiers mettent en garde tous les locataires et ne soupçonnent pas Issa. De retour dans son appartement Issa s'effondre. Il est aidé par sa voisine Meryem qui vit seule avec ses deux enfants. Elle s'acquittera de cette somme envers les malfaiteurs qui veulent sa peau. Issa promet de faire quelque chose à Meryem dès qu'elle le lui demandera. Ça tombe bien, son mari qui travaille ailleurs revient et la bat. Meryem demande à Issa de le tuer prétextant de bien sombres histoires. La descente aux enfers commence. Issa est un acteur raté qui collectionne en fait les petits rôles et les castings. Obnubilée par le feuilleton de la semaine, Meryem lui propose un scénario ficelé mais elle précise, cette fois, «ce n'est pas un film, c'est la vérité». Issa s'est fourvoyé. Lorsqu'il retrouve un job et disparaît durant un mois, il revient et retrouve l'appart de sa voisine vide. Il l'a retrouve par hasard au détour d'un chemin au centre-ville. Elle habite une belle maison. Avant, elle était femme de ménage. Issa se sent floué. Troisième page se présente comme un mauvais scénario marqué par des plans séquences austères et figés. Un film sur l'être et le paraître, l'ambiguïté entre la fiction et la brutalité de la réalité. En effet, le film met à chaque fois en avant des scènes de tournage d'un drame policier. Issa rêve de ressembler à son acteur principal et d'avoir son succès. Issa est apprécié par son voisin quand il le voit à la télé. Il rêve de jouer dans un saop opéra turc, comme de nombreux de ses semblables. Le second film qui suivra a aussi un pied dans l'audiovisuel turc. Toutes les choses sur Mustapha est signé Cagan Irmak, et date de 2003. Ce film se situe a mi-chemin entre le drame psychologique et le polar américain, toutefois gâché par un trop plein de sentimentalisme et de mélodrame. De l'emphase lyrique à l'indienne dont il aurait pu se passer. Orient quand tu nous tiens! Mustapha est un homme d'affaires qui mène la belle vie avec sa petite famille. Un nid douillet à la sitcom. Lui-même travaille au sein d'une boîte de production télé. Un jour sa femme, artiste sculpteur, est retrouvée morte suite à un accident de voiture. Elle gît morte à côté d'un homme inanimé mais vivant. Il s'agit de son amant. Guetté à la sortie de l'hôpital, Mustapha le kidnappe et l'emmène dans sa maison de campagne. Il est décidé à tout connaître de leur histoire. L'homme, un chauffeur de taxi, est malmené, humilié dans sa chair. Mustapha comprend que sa vie n'a été qu'un mensonge. D'abord sa mère qui lui faisait croire que son père reviendrait la semaine prochaine en lui écrivant des lettres bidon, et son mutisme sur cette vérité amère: Mustapha, petit, a tué son grand frère alité qui retenait toute l'attention de sa mère. Devenu adulte, Mustapha s'est transformé en maniaco-dépressif, acariâtre qui veut tout contrôler, jusqu'à l'image de sa femme et ce qu'elle doit porter...mais à trop vouloir oublier son passé, celui-ci finit un jour ou l'autre par éclater et faire mal. Mustapha ose enfin affronter sa mère et ses démons en lui avouant être «une mauvaise personne». Mais sa mère savait tout. Dans un sursaut de conscience, quand l'amant avoue à Mustapha que sa femme l'aimait et que la dernière chose qu'elle a voulu faire dans la voiture était de mettre le disque préféré de son mari (Vivaldi), il abdique et ne le tue plus. Dans un style plus authentique car usant de moins d'artifices est le dernier film projeté de la journée. Il s'agit de Mon père et mon fils, du même réalisateur Cagan Irmak. Ici, le réalisateur parvient à raconter une belle histoire sans trop user des effets lyriques, à quelques exception près. Sept ans après la mort de sa mère, la nuit du coup d'Etat de 1980 en Turquie, le petit Deniz part en voyage en Egéé vers la ferme de son grand-père. Ils ne se sont jamais rencontrés car son père et son grand-père s'étaient brouillés depuis des années. Son père voulait qu'il fasse des études en agriculture, il est devenu journaliste anarchiste. Suite à son emprisonnement et les séquelles de tortures, le père tombe malade. N'ayant pas beaucoup de temps à vivre, il décide de faire le chemin du retour pour donner à son enfant la chance de grandir au sein de sa famille et ses racines. Avec une teinte naïve et des séquences caustiques, le film brosse un tableau humain tout en légèreté et beauté renouvelées mais avec une tendresse infinie. Après la mort du père, le grand-père finit par laisser rentrer son petit-fils dans son fameux antre mystérieux, là où trône une machine de projection qui a permis d'inscrire en image la mémoire de la famille et donc de montrer le père quand il était petit. Son enfant continuera à rêver de lui, la caméra entre les mains et ainsi perpétuer son souvenir grâce à ses prises de vues dans la ferme. Un film qui a conquis l'assistance lors de la soirée d'ouverture de cette semaine du film turc. Un cinéma qui raconte la vie des petites gens, entre leur malheur, dignité et espoir, d'où le grand attachement du peuple turc à son 7e art. Un cinéma référence auquel il s'identifie forcément...

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