Le dramaturge Omar Fetmouche a réussi, sans toucher la trame initiale, encore moins à son esprit, mais en la bonifiant d'un surcroît d'effets scéniques et esthétiques, à faire de la pièce de théâtre «R'djel ya h'lalef», produite par Abdelmalek Bouguermouh en 1989, une pièce théâtrale de premier ordre. Manifestement, son rafraîchissement a dépassé les attentes, comme en témoigne la réaction du public, samedi soir, pendant et après le déroulement de la générale, un public sensiblement, subjugué et ravi. «Je suis sur un nuage, c'est la plus belle pièce qui j'ai eu à voir ces dernières années», opine spontanément Soraya, enseignante universitaire de son état, visiblement toute étourdie par les émotions «subies» pendant le spectacle. Un vrai cocktail de situations tragiques mais décliné, entièrement, sous l'angle de la dérision, du burlesque et de l'absurde. A ses côtés, Mme Bouguermouh peinait à contenir ses larmes, partagée entre le triste souvenir du mari disparu et la joie de voir son oeuvre survivre à sa postérité et de surcroît, dans ce ravissant emballage. Bien qu'elle ait eu à superviser à ses temps perdus les répétitions, elle en a été agréablement «flouée». Et pour cause! «Les comédiens se sont merveilleusement surpassés», disait-elle, rassérénée. Désormais, l'oeuvre a complètement abouti. Pour réussir son pari et tenir le serment de faire rejouer la pièce, Fetmouche, qui connaît parfaitement l'oeuvre, ayant initialement participé à sa mise en scène, ne s'en est pas trop embarrassé. Il en est venu, reconnaît-il, simplement à exploiter à bon escient les annotations de Bouguermouh après les quelques représentations données à sa sortie, notamment lors de sa participation, en 1989, au festival du théâtre professionnel de Annaba. Bouguermouh, voulait en faire un chef-d'oeuvre, tout au moins une pièce qui surclasserait «H'zam El Ghoula», produite une année auparavant et, qui a eu alors, un succès retentissant. Le résultat, soutenu par un meilleur décor, des costumes plus chatoyants, des morceaux de musique et des chorégraphies plus adaptées, est là dans toute sa splendeur. La pièce, une adaptation du «Rhinocéros» d'Eugène Ionesco et qui emprunte au théâtre de l'absurde, n'est pas du théâtre simple. «C'est une figure de biomécanique», reconnaît Fetmouche avant le début du spectacle, sollicitant presque de l'indulgence pour une première représentation, tant les scènes étaient difficiles, et leur rythme rapide et survolté. Quatorze acteurs en scène au même moment, dans des rôles de composition et de surcroît, dans une ambiance de foire d'empoigne. L'exercice, en effet, n'était pas facile. L'oeuvre est une satire, qui pourfend le phénomène de la corruption et met en scène la déraison de ceux qui s'y adonnent. L'espace est celui d'un village où les habitants perdent le sens des réalités et des principes au point de se métamorphoser en «h'lalef» et de transformer leur espace vital en un empire du mal, avec des règles et des lois établies. Seul réfractaire au fait accompli, Boudjadi Ould M'barek El Micanicia, qui finit par susciter une révolte et la fin de la «Haloufite». La trame est tissée sur des monologues confus, des dialogues qui partent dans tous les sens mais qui, paradoxalement tous, dans leur absurdité, renseignent parfaitement sur le nihilisme et le tragique des situations abordées. Une dramaturgie fort singulière.