Cette affaire, qui irrite le gouvernement algérien, indigné par la mise en cause du diplomate, commence à parasiter les relations entre Alger et Paris. Les poussées de fièvre entre Alger et Paris sont cycliques. Les canaux du dialogue entre les deux capitales sont quasi nuls, les divergences sur des questions géostratégiques s'accumulent tandis que les contentieux juridiques et politiques se multiplient. En effet, jamais les sujets d'incompréhension entre les deux pays n'ont été si nombreux et les tensions si profondes. L'inscription de l'Algérie dans la liste noire des pays à risque, l'affaire Mohamed Ziane Hasseni, le dossier des moines de Tibhirine, les essais nucléaires français en Algérie et la repentance, autant de sujets de friction entre Alger et Paris. La première moitié du quinquennat de Nicolas Sarkozy a été marquée par la multiplication d'affaires judiciaires qui embarrassent Alger. En effet, l'affaire Hasseni, du nom du chef du protocole du ministère algérien des Affaires étrangères accusé d'être impliqué dans l'assassinat de l'opposant André Ali Mecili, en 1987, à Paris, revient au-devant de la scène. Lundi, le juge Alain Philibeaux décide d'écarter, contre l'avis du parquet, un non-lieu «prématuré». Dans une ordonnance, le juge soutient qu'«il n'existe pas suffisamment d'éléments avérés mettant hors de cause Hasseni». Se contredisant, le même juge concède que les charges contre le diplomate, s'étant réduites, Hasseni sera mis en examen, non pas pour «complicité d'assassinat» mais de «témoin assisté». En clair, d'intermédiaire dans le meurtre de Ali Mecili. Et le juge Alain Philibeaux de préconiser la poursuite des investigations en Algérie qui croyait que le dossier était clos avec le non-lieu requis début février par le parquet de Paris. Réagissant, Me Jean-Louis Pelletier, l'avocat de Hasseni, a qualifié, hier, l'ordonnance du juge Alain Philibeaux, de négation même de la présomption d'innocence. «Nous allons faire appel dès ce mercredi (hier, Ndlr). Nous estimons que cette ordonnance est une négation même de la présomption d'innocence. Notre client est aujourd'hui considéré comme témoin assisté», a indiqué Me Pelletier dans des propos rapportés par l'APS. «Nous avons présenté une ordonnance de non-lieu très motivée, malgré cela, le juge Philibeaux a décidé d'un refus de non-lieu et de mise en examen», a-t-il ajouté. «Le juge d'instruction a considéré qu'aucun élément nouveau n'apparaît dans l'affaire même s'il reconnaît que les charges qui pesaient contre mon client se sont affaiblies. Il y a contradiction et son ordonnance est aberrante», a-t-il poursuivi. En maintenant la mise en examen du diplomate, certes, en tant que «témoin assisté», le juge Philibeaux au lieu de confirmer le non-lieu requis par le parquet de Paris, remet de l'huile sur le feu dans les relations algéro-françaises. Une ordonnance qui ne fait qu'accentuer la fièvre entre Alger et Paris au lieu de détendre l'atmosphère. D'autant que le premier témoin à charge contre M.Hasseni s'est rétracté. Tandis que le second, Mohamed Samraoui, est revenu en partie sur ses déclarations. Et pour couronner le tout, le magazine Spécial Investigation de la chaîne de télévision Canal+ propose, le 30 avril courant, une contre-enquête sur l'assassinat des moines de Tibhirine. intitulé Algérie: qui a tué les 7 moines français? Le reportage se baserait, selon le réalisateur, sur des interviews inédites de proches des victimes, d'anciens des services secrets français et de l'armée algérienne et d'islamistes. Pourtant, l'Algérie a prouvé que les trappistes de Tibhirine ont été exécutés par le GIA (Groupe islamiste armé). En exhumant présentement ces deux dossiers, le juge d'instruction parisien ne fait qu'empoisonner davantage les relations algéro-françaises, déjà en froid. D'ailleurs, la visite à Alger, le 21 février, du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, et du conseiller diplomatique Jean-David Lévitte n'a rien arrangé. Ils n'ont pas été reçus par Abdelaziz Bouteflika.