Depuis sept ans, le bilan du président Bouteflika sur le plan international est considéré comme flatteur pour l'image de l'Algérie à l'extérieur. Le repositionnement du pays par rapport aux partenaires étrangers, traditionnels ou nouveaux, s'est opéré suite à un travail diplomatique minutieux qui a fait du Président un “super ministre des Affaires étrangères” et de la diplomatie une chasse gardée présidentielle que personne n'ose lui contester. Reste à savoir quelle est la valeur des relations diplomatiques de l'Algérie, leur pertinence et les inconvénients d'une telle stratégie à l'échelle mondiale. Etats-Unis Comment passer du statut de pays arabe satellite de l'ex-URSS à celui d'allié stratégique des Etats-Unis ? En réalisant ce tour de force, le président Bouteflika s'est mis dans les bonnes grâces de l'Administration américaine, version républicaine, en “offrant” à Gorge Bush des arguments déterminants : la sécurité et l'énergie. Premier chef d'Etat arabe à se rendre à Washington après les attentats du 11 septembre 2001, Bouteflika a forcé la porte de la Maison-Blanche face à ses interlocuteurs assez marqués par les relents de la guerre froide. C'est Dick Cheney, le vice-président américain et le lobby pétrolier texan qui avaient saisi, en premier, que Bouteflika avait changé et veut négocier une marge de manœuvre internationale en contrepartie d'une ouverture du champ énergétique algérien et d'une aide algérienne dans le domaine antiterroriste. Les résultats enregistrés aussi bien par les compagnies américaines que par la CIA et le FBI dans les deux domaines ont fini par convaincre Bush qu'Alger est devenue un partenaire “exceptionnel”. Seule ombre au tableau, les pressions récurrentes de Washington pour que Bouteflika accepte la reconnaissance d'Israël. France, Russie et UE Le traité d'amitié momentanément plombé, Chirac sur le départ et les incertitudes sur la présidentielle en 2007 font que les relations avec Paris ne sont pas au mieux. L'attelage Bouteflika-Chirac souffre des pesanteurs historiques et politiques, du moment que l'Elysée demeure convaincu que Bouteflika lui “sert la soupe” en renforçant l'axe avec les Américains. Condamnés à s'entendre, les deux états sont en rupture de confiance. Alger est irritée par le soutien inconditionnel de Paris à Mohammed VI et la France ne comprend pas que son soutien économique ne soit pas récompensé au niveau politique. Le remboursement de 8 milliards de dollars au Club de Paris ne fera qu'éloigner les positions. Cette tiédeur a profité à d'autres pays tels que l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne ou la Grande-Bretagne. Ces poids lourds de l'UE ont décidé de passer outre “la mainmise” française pour saisir les opportunités d'affaires en Algérie, rendant ainsi l'efficacité de la consultation intereuropéenne quasi-nulle. Paris ne fait plus le beau temps à Bruxelles et les autres Européens se sont alignés sur le vœu de Bouteflika de faire du bilatéral le socle des relations avant le multilatéral européen. Conséquence, Rome, Madrid et bientôt Berlin sécurisent leurs sources gazières en profitant de l'expertise sécuritaire algérienne. Londres reste, pour sa part, sceptique mais commence à lâcher du lest sur le dossier islamiste, certainement, encouragé par les Américains. Quant à l'Europe scandinave (Suède, Finlande, Danemark et Norvège), le statu quo prédomine. Reste la Russie qui est un cas à part. La visite de Vladimir Poutine a aplani certains contentieux (dette et armement), mais au-delà du partenariat stratégique, la relation entre Alger et Moscou est plus réaliste que romantique. Le temps des idéologies est terminé et a laissé place à un partenariat pragmatique qui semble dénué de toute tentative de “vassalité” surtout que le Kremlin surveille de près le partenariat énergétique de l'Algérie avec l'Allemagne. Son marché de prédilection. Amérique latine Le temps de Che Guevara, d'Allende et de Chico Mendes est révolu. La figure “révolutionar” de Bouteflika a pourtant survécu dans une Amsud qui vire au Rouge. Sur ce plan, et face aux Américains, l'Algérie demeure fidèle en amitié entre Chavez au Venezuela et Castro à Cuba quitte à exaspérer Washington. Mais les impératifs économiques font que l'allié stratégique qui se dessine est la puissance émergente du Brésil de Lula qui a également besoin de l'entregent pétrolier arabe que lui fournit Bouteflika. Inde, Chine et Asie Dans la globalisation qui se dessine, il serait suicidaire de ne pas être en phase avec Pékin et New Delhi. Sur ce plan, Bouteflika a réanimé les relations avec l'Inde (agroalimentaire, énergie et sidérurgie) quasiment inexistantes en comptant sur la voracité énergétique des Indiens. Autre gros demandeur de pétrole, la Chine qui apprécie l'ouverture algérienne pour ses entreprises hors hydrocarbures (bâtiment et téléphonie) et peut, ainsi, compter sur la pénétration de la plate-forme maghrébine face à l'Europe. Sur le plan asiatique, il faut noter le regain de forme avec la Corée du Sud, et la percée avec des états de l'Asie musulmane que sont l'Indonésie et la Malaisie longtemps négligées, mais qui ont un potentiel commercial non négligeable. Reste le Japon avec lequel les relations sont au beau fixe. Iran et pays arabes Paradoxalement, c'est probablement le bilan le plus mitigé de Bouteflika. Comptant sur les “amis” du Golfe persique, les monarchies pétrolières n'ont pas suivi les appels du pied du président algérien à investir le marché algérien et se tournent vers le Liban. Conséquence, beaucoup de protocoles et peu de concret. La faute à l'Egypte de Moubarak qui ne lâche rien de son leadership arabe et qui ne veut pas que l'Algérie investisse le précarré oriental même si Alger a démontré qu'elle est prête au partenariat économique. Avec la Jordanie du roi Abdellah, les relations sont correctes, ainsi qu'avec les Libanais, les Soudanais ou les Irakiens. Reste l'imbroglio syrien, où Alger a toujours fait preuve d'une amitié indéfectible même si Bachar Al-Assad est dans le collimateur de Washington et Paris. Quant à l'Iran, les relations réamorcées sont devenues singulières. De tous les états arabes, l'Algérie est le seul qui peut se targuer d'avoir maintenu un dialogue fluide avec Téhéran même en pleine crise sur le nucléaire iranien. Les ayatollah le savent et comptent sur Bouteflika pour maintenir une porte de contact entrouverte avec les américains et les européens. Afrique Le repositionnement de l'Algérie y a été spectaculaire. Après une hibernation diplomatique de plus de 15 ans, Alger a reconquis sa place sur le continent noir avec une variante surprenante. En quittant l'espace francophone, elle s'est alliée avec deux puissances continentales et anglophones que sont l'Afrique du Sud et le Nigeria pour créer un pôle incontournable. Energie, UA, Nepad, bonne gouvernance, dette africaine et sida sont devenus les sujets trustés par ce trio qui doit beaucoup aux relations personnelles Bouteflika, M'beki et Obasango. Pourtant c'est au niveau subsaharien que les difficultés sont apparues. Le Mali, le Niger et la Mauritanie sont apparues comme des voisins récalcitrants à l'idée de développer un partenariat sécuritaire et économique qui ne soit ni inféodé à Paris, ni régenté par Washington. Mounir B.