Les observateurs s'interrogent sur l'utilité de telles réunions si sur le terrain, des pays s'obstinent à n'avoir de considération que pour leurs intérêts. La sécurité au Sahel continue de mobiliser les sept pays de la région. Et la question n'est plus du seul ressort des services de sécurité. Désormais, les services de renseignements auront la part belle dans cette région minée au sens propre du mot. En effet, les responsables du renseignement de l'Algérie, de la Libye, de la Mauritanie, du Tchad, du Niger, du Mali et du Burkina Faso ont tenu, il y a trois jours, une réunion à Alger durant laquelle, ont confié des sources sécuritaires, l'ensemble des points relatifs à la coordination sécuritaire et la lutte contre Al Qaîda au Maghreb ont été méticuleusement débattus. Cette réunion avait été programmée et annoncée lors de la conférence régionale sur le terrorisme tenue le 16 mars dernier à Alger et à l'issue de laquelle, les Etats-Unis s'étaient félicités de la tournure prise par les événements. La France et la Grande-Bretagne s'étaient réjouies et avaient promis leur soutien aux pays du Sahel qui font face à un grave problème sécuritaire imposé par une nébuleuse à la recherche de bases arrières moins exposées que celles qu'elle possède en Afghanistan, en Irak, en Somalie et au Yémen. Les sept pays réunis à Alger, conscients du défi à relever, ont, une nouvelle fois, coordonné leurs efforts sur le plan, notamment du traitement du renseignement, qui est le vecteur essentiel de cette coordination transnationale. Il a été question également de la stratégie de l'échange d'information même si la confiance n'est pas encore tout à fait présente entre les différents partenaires. Il est à rappeler que la libération par le Mali des quatre terroristes réclamés par l'Algérie et la Mauritanie a jeté un «froid» dans les relations entre ces pays. Un incident diplomatique qui a été abordé lors de la rencontre de dimanche et qui a même failli causer des dégâts importants entre le Mali et la Mauritanie! Cependant, les observateurs s'interrogent sur l'utilité de telles réunions, si sur le terrain, des pays s'obstinent à n'avoir de considération que pour leur propre intérêt immédiat. Certes le rôle de l'Algérie n'est plus à démontrer, mais sera-t-elle en mesure d'impliquer et de convaincre ces pays de la nécessité d'une collaboration de haut niveau afin d'isoler et de neutraliser des groupes extrêmement mobiles et bénéficiant de nombreuses complicités au Mali, au Tchad et en Mauritanie? L'Algérie a toujours refusé que le Sahel se transforme en un terrain de lutte entre différents services de renseignements occidentaux. C'est une question de principe et de souveraineté, ont souligné nos sources. Pour atteindre cet objectif stratégique et «couper» court aux nombreuses tentatives d'intervention directes de la part des puissances occidentales, elle s'est retrouvée une fois encore, à l'avant-garde d'une lutte antiterroriste continentale où la collaboration des autres partenaires africains est appelée à être à la hauteur des risques réels qui menacent toute la région. La réunion du 16 mars et celle du 4 avril ne se sont pas limitées aux simples échanges de points de vue, ont souligné les mêmes sources. Dans ce contexte, l'Algérie va militer pour une coordination souple et efficaace dans le domaine du «renseignement opérationnel». Pour arriver à ce stade avancé de la coopération, à laquelle ils aspirent, les pays du Sahel sont plus que jamais tenus à renforcer leur stabilité politique, seul et unique paramètre pouvant leur permettre de réunir toutes les conditions favorables à une lutte efficace contre les groupes d'Al Qaîda, ont également précisé nos sources. Al Qaîda n'hésite pas à exploiter à son profit les innombrables conflits d'ordre tribal et social qui règnent dans la région du Sahel. Le conflit entre le pouvoir central à Bamako et les tribus touarègues, le malaise social en Mauritanie et la lutte acharnée pour le pouvoir à N'djamena et les groupes armés financés par des pays voisins, enveniment la situation et offrent à Al Qaîda des occasions à même de se renforcer et de tisser des liens avec les parrains de la contrebande et «tous les mécontents du système». Certes, l'ensemble des pays du Sahel sont conscients du fait que s'ils n'agissent pas de concert, les Américains et à un degré moindre, les Français vont s'impatienter et les soumettre à un véritable «forcing», prélude à une intervention étrangère que tout le monde, l'Algérie la première, rejette globalement. La réunion d'Alger offre, en effet, à tous ces pays une occasion pour mieux se défendre contre un ennemi sans foi ni loi qui a permis la dévastation de l'Afghanistan, la destruction de l'Irak, le dépérissement de toute forme organisationnelle en Somalie et l'instabilité chronique au Yémen. C'est l'avenir de plus de 100 millions de personnes qui en dépend.