Les Algériens lui sont restés non seulement reconnaissants, mais attachés. C'est par une longue digression sur feu Ahmed Soekarno que le Président Bouteflika a ouvert son allocution de bienvenue lors du dîner qu'il a offert jeudi soir en l'honneur de Mme Mégawati Soekarnoputri, présidente de la République d'Indonésie en visite d'Etat de quatre jours en Algérie. C'est vrai que Ahmed Soekarno a marqué la génération de l'indépendance par ses franches prises de position vis-à-vis du conflit qui a opposé l'Algérie à la France coloniale pendant plus de 7 ans de guerre. Avec la Corée du Nord, il fut l'un des premiers chefs d'Etat musulmans à soutenir publiquement la lutte de Libération nationale pratiquement dès les premières salves de Novembre 1954. Les Algériens lui sont restés non seulement reconnaissants, mais attachés. Après avoir encensé le nom de l'absent, de celui qui, venant tout juste d'engager son pays il y a plus de trente ans dans de grandes réformes pour faire de l'Indonésie une puissance régionale respectée du continent asiatique, a été ravi à la politique par un coup d'Etat militaire dirigé contre lui par l'ex-président déchu Suharto. Le Président Bouteflika, qui connaissait personnellement Ahmed Soekarno, n'a pas hésité à rappeler les attitudes bienveillantes que l'ancien chef de l'Etat indonésien avait eu à son égard alors qu'il débutait dans la diplomatie. Le souvenir de Ahmed Soekarno est si fort dans notre pays que, à la faveur du centenaire de sa naissance, l'Algérie, qui l'a fêté il y a un an, a permis à Bouteflika de rappeler combien cet homme «mérite notre reconnaissance». Pour s'en rappeler, il suffit de citer la ville de Bandung et de se remémorer que c'est grâce à Ahmed Soekarno, qu'une telle rencontre a pu se tenir. Bandung 1955, c'était bien, en effet, la première fois que la lutte de libération du peuple algérien a pu s'étaler à la «une» des journaux indonésiens aussitôt relayés par les médias des pays membres de la Conférence afro-asiatique en conférence à Bandung. Après ce rappel, le Président de la République se met à énumérer les raisons qui font que l'Indonésie et l'Algérie ont toujours essayé de développer convenablement leur coopération et leurs échanges. La pratique des échanges leur ayant ouvert des perspectives prometteuses en matière de commerce bilatéral en 2000 les deux pays décident de mettre sur pied une commission mixte pour suivre et stimuler les échanges et la coopération dans tous les domaines. Le vieux rêve d'une coopération intense entre les pays de l'hémisphère Sud, trouve là une occasion non seulement de se concrétiser, mais aussi d'ouvrir la voie à une possible et intense coopération entre les deux pays. Pas un domaine recensé en 2000 n'échappera aux recommandations de la commission mixte... A la tête du mouvement des Pays non-alignés, l'Algérie et l'Indonésie ont toujours trouvé leur voie du salut en harmonisant leurs politiques, pour ne pas être pris au dépourvu par des coalitions dont le rôle majeur consistait, pendant longtemps, à contenir, sinon à saboter, toute initiative émanant des Pays non-alignés. Cette vieille et efficace tradition a été reconduite. Elle est revenue en mémoire quand Bouteflika, évoquant les résolutions de la commission mixte, rappelle que «nos rapports connaissent une nouvelle impulsion sur le plan politique, avec la signature d'un mémorandum d'entente qui régira les consultations et la concertation entre nos deux ministères des Affaires étrangères». Le Président Bouteflika passera ensuite en revue tous les sujets sur lesquels Indonésiens et Algériens se sont mis d'accord pour impulser la coopération et des échanges, y compris dans le domaine de la religion dans lequel les deux pays ont enregistré un progrès certain par le fait qu'ils n'ont pas hésité à procéder à des échanges d'imams pour une meilleure harmonisation des préceptes religieux dans les deux pays. Profitant de ce que le premier anniversaire du drame du 11 septembre sera bientôt célébré, Bouteflika n'a pas hésité à rappeler certains faits qui, lorsque l'Algérie, seule face aux hordes de tueurs de l'intégrisme islamiste se débattait dans des problèmes inextricables et essayait par tous les moyens de faire comprendre aux autres nations le caractère barbare de cette nébuleuse, peu d'oreilles firent l'effort de l'écouter. Aujourd'hui la donne qui régule les pulsations du monde a changé. D'où l'impérieuse nécessité de dialogue entre les civilisations pour apprendre aux Occidentaux, notamment, à ne pas confondre Islam et islamisme fondamentaliste. Même chose pour le terrorisme auquel certains voudraient voir s'appliquer la règle d'une différenciation fondamentale entre le combat mené par les Palestiniens et la destruction des tours du World Trade Center. Les Palestiniens n'ayant qu'un seul désir: la reconnaissance de leur Etat dans le concert des nations, y compris Israël. Le plus tôt serait le mieux.