Le chef de la diplomatie française a critiqué la fermeture des frontières terrestres entre l'Algérie et le Maroc et a apporté le soutien de son pays au projet d'autonomie marocain pour le Sahara occidental. «La frontière entre l'Algérie et le Maroc est l'une des plus hermétiques au monde», a déclaré Bernard Kouchner qui était auditionné par des élus français de la commission des Affaires étrangères. Il s'est exprimé à cette occasion sur plusieurs questions de l'actualité internationale, notamment le Proche-Orient, les relations France-Etats-Unis et le service européen d'action extérieure, indique le compte-rendu officiel des travaux de la commission des Affaires étrangères, rapporte une dépêche de l'agence officielle marocaine MAP datée du 19 avril. Ceux qui ont cru à un simple dérapage du ministre français des Affaires étrangères lorsqu'il déclarait au mois de février dernier: «La génération de l'indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple», doivent être maintenant édifiés. Quant à ceux qui ont cru qu'après la visite du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, à Alger le 21 février dernier, le ministre français des Affaires étrangères allait être mis hors jeu, ils doivent désormais réviser leur analyse. A moins que l'ancien ministre socialiste rallié à Nicolas Sarkozy n'en fasse qu'à sa tête. Ce qui serait fortement surprenant. Rien n'est dû au hasard. Bernard Kouchner distille ses piques en direction de l'Algérie comme autant de coups de canif, qui attestent du degré de détérioration mais surtout d'hypocrisie dans lesquelles se trouvent aujourd'hui les relations politiques entre les deux pays. Pour preuve, comme pour se déculpabiliser il avait ajouté au JDD (hebdomadaire français) à qui il se confiait au sujet des relations algéro-françaises: «Nos rapports ont été à ce point sentimentaux, violents et affectifs que tout est très difficile et très douloureux. L'Algérie a été vécue comme française en France, quand elle était colonie de peuplement», pour rappeler que son premier engagement fut avant tout celui qu'il a mené contre le colonialisme. En récidiviste notoire et au nom d'un droit d'ingérence chevillé au corps, qui le distingue, le chef de la diplomatie française en a rajouté une couche. «A l'instar de l'ONU, nous avons salué comme une avancée la proposition d'autonomie déposée par les Marocains sur la table du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon», a confié le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, lors de sa dernière audition à la commission des Affaires étrangères du Palais Bourbon dans la même dépêche répercutée par MAP. Pas un mot n'a été soufflé sur les violations des droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara occidental, ni sur l'option de la tenue d'un référendum qui garantirait au peuple sahraoui de s'exprimer librement quant à son avenir, comme le stipulent les résolutions 1813 et 1871 adoptées par le Conseil de sécurité, et encore moins sur l'état de santé des 38 détenus politiques, en grève de la faim depuis le 18 mars 2010, qui croupissent dans les prisons marocaines. La position française, en faveur du Maroc, est un secret de polichinelle. Qu'elle soit soutenue aussi ouvertement de la part d'une personnalité comme Bernard Kouchner, qui se targue d'avoir combattu toute forme de colonialisme, relève d'une flagornerie qui ne peut flatter que le propre ego de celui qui le revendique. L'Association française des amis de la Rasd (l'Aarasd) a dénoncé et condamné sans appel «la position française qui appuie régulièrement le point de vue marocain» tout en regrettant que «la France, membre permanent du Conseil de sécurité, poursuive son soutien inacceptable aux positions marocaines, soutien qui, depuis 33 ans, n'a mené qu'à des impasses et bloqué tout développement de perspectives de paix et d'unité au Maghreb». Une mise au point objective et lucide qui restitue les responsabilités de chacun des acteurs tout en rétablissant une vérité historique qui remet à leur place les provocations de Bernard Kouchner. En évoquant de manière aussi brutale la question de l'ouverture des frontières terrestres entre le Maroc et l'Algérie, le chef de la diplomatie française a sans aucun doute fait franchir un nouveau pas à la détérioration des relations entre Paris et Alger, qui semblent subir un enterrement de première classe. 2012 n'est pas loin. Bernard Kouchner et l'actuel locataire de l'Elysée ne seront plus là. Les relations entre l'Algérie et la France pourront envisager un avenir certainement plus apaisé.