Un gouvernement maladroit? Incompétent ou complice? Jamais, dans l'histoire de l'Algérie, un Exécutif n'a cumulé à la fois autant d'erreurs d'appréciation que de gestion. Ces dernières semaines sont marquées par la disparition totale de la scène de plusieurs ministres. Certains d'entre eux se contentent de répondre aux questions orales posées par le Parlement alors que pour d'autres les apparitions médiatiques sont liées à des événements conjoncturels. Et le Premier ministre dans tout cela? M.Ahmed Ouyahia n'a pas réuni son Exécutif depuis plus d'un mois. Le gouvernement est entré dans une profonde léthargie et ne semble pas près de se réveiller. Les observateurs craignent même un réveil tardif. En effet, rien ne semble déranger l'immobilisme frappant du gouvernement. Ni le bouillonnement du front social marqué par la multiplication des grèves dans des secteurs aussi sensibles que l'éducation et la santé. Ni l'affaiblissement du pouvoir d'achat des Algériens pris au piège entre la défaillance des moyens de contrôle de l'Etat et la loi des spéculateurs. Sans omettre les affaires de corruption qui gangrènent plusieurs secteurs et que le minsitre de l'Industrie, Hamid Temmar, trouve «normales.» Comment expliquer ce gel? Une source proche de l'Exécutif annonce que le Premier ministre poursuit normalement ses missions. Il tient plusieurs conseils interministériels durant la même semaine. Et donne des instructions à son staff. Fidèle à lui-même, «le Premier ministre préfère travailler loin des feux de la rampe», poursuit notre source. Ce vide a ouvert la voie aux spéculations et aux rumeurs. La presse a fait part d'une réunion des cadres au courant du mois d'avril à l'occasion de laquelle, le président de la République annoncera son programme quinquennal. Une réunion qui, dit-on, sera suivie par un remaniement ministériel. A ce jour, le Président n'a pas convoqué cette réunion. Le Premier ministre n'a pas présenté son plan d'action. Il risque fort de faire l'impasse sur la déclaration de politique générale pourtant exigée par la Constitution. Tout le monde attend le feu vert du président de la République. «Le plan quinquennal est fin prêt pour sa mise en application», a affirmé récemment un ministre en exercice à L'Expression. «Nous avons finalisé l'étude des projets inscrits dans ce programme et réparti les budgets sur les secteurs», a-t-il encore ajouté. L'équipe de Ouyahia attend sa convocation pour le Conseil des ministres. En attendant, plusieurs projets sont à l'arrêt. D'autres peinent à démarrer. Et dans les coulisses, beaucoup attendent des changements à la tête de plusieurs secteurs, du moins ceux les plus importants. Toutes ces informations demeurent au stade des spéculations. La dernière décision revient au chef de l'Etat. Et dans ce chapitre «aucune partie, même le cercle le plus proche du Président, ne peut affirmer savoir ce que sera la position du président de la République». Ce dernier se trouve face à une situation très complexe: remanier le gouvernement exige logiquement le départ de certains ministres dont les secteurs sont impliqués dans des affaires de corruption. Même si la justice n'a pas révélé les tenants et les aboutissants des dossiers qui sont à l'examen à son niveau, force est de constater que la responsabilité politique et ou morale des premiers responsables de secteur n'a pas besoin de preuve. D'autant plus que ces affaires risquent de nuire sérieusement à l'image du pays. La corruption n'est pas le seul point noir de ce gouvernement. L'incapacité pour le moins surprenante de contrôler un front social en effervescence pour les mêmes revendications, amène les observateurs à s'interroger comment sont gérées toutes ces crises. Les syndicats de l'éducation continuent à défier le gouvernement. Dans ce choc frontal, l'avenir de millions d'élèves, particulièrement ceux des classes d'examen, est sérieusement menacé. Quant à la santé, la mauvaise gestion du dossier des syndicats est plus que catastrophique. Encore une fois, ce sont les citoyens qui en font les frais. Malade est aussi le secteur de la santé. L'Etat refuse obstinément d'écouter les médecins dont tout le monde connaît les conditions de travail. Saïd Barkat dont le passage à l'agriculture n'était pas des plus reluisants, n'entend pas la désespérance des médecins matraqués par la police antiémeute «Le chantage», un principe si cher aux syndicats est copié par l'Etat. Un gouvernement maladroit? Naïf? Incompétent ou complice? Jamais, dans l'histoire de l'Algérie, le gouvernement algérien n'a regroupé à la fois autant de ministres qui cumulent les erreurs d'appréciation et/ou de gestion. Les ministres qui exercent sous la coupe du chef de l'Exécutif, Ahmed Ouyahia, suscitent beaucoup de bruit autour d'eux, non pas pour la valeur ajouté apportée à l'économie nationale par leurs secteurs respectifs, mais bien pour les polémiques nées de leur gestion. Le scandale de la compagnie nationale Sonatrach, ou «l'affaire Sonatrach» - pour respecter l'opinion du ministre de tutelle M.Chakib Khelil - a réveillé chez le simple citoyen ces interrogations enfouies ou noyées par les soucis de la vie quotidienne. Ni responsabilité morale, ni responsabilité politique, ni responsabilité juridique. Nos ministres ne sont pas contraints de rendre des comptes sur la gestion de leurs secteurs. C'est le cas notamment d'El Hachemi Djaâboub, ministre du Commerce, qui s'est montré impuissant face au phénomène de la spéculation. A la veille de chaque Ramadhan, Djaâboub fait quelques apparitions à la Télévision algérienne pour promettre aux Algériens un mois plus clément en matière de prix des fruits et légumes. L'on connaît la suite du scénario. Les prix flambent «malgré lui». Il faut dire qu'en cas de remaniement, le président de la République aura l'embarras du choix. Les ministres en poste multiplient les erreurs. Dans ce cas, le Président procédera-t-il à un changement de fond? Va-t-il au contraire garder la même équipe avec des changements touchant quelques secteurs non stratégiques? Seul M.Bouteflika détient la réponse.