Que le plus haut responsable d'un corps de sécurité affirme qu'il existe, parmi ses troupes, «des éléments indignes de représenter ce corps», voilà une première. «La politique de réorganisation a été appuyée par une épuration - qui se poursuit toujours - des rangs de la Gendarmerie, des personnes en réalité non aptes et indignes de représenter ce corps (...) des poursuites pénales ont même été envisagées dans certains cas.» C'est ainsi que s'est exprimé le général-major Mohamed Boustila, hier, à Ouargla. Voilà des propos d'une virulence et d'une audace à vous couper le souffle, et, qui plus est, ont été prononcés devant des cadres et officiers supérieurs de la Gendarmerie, lors de la cérémonie d'installation du commandant de groupement de la 4e Région militaire. Cette cérémonie s'est déroulée en présence des autorités militaires et civiles de la région de Touggourt, et c'est devant cet auditoire qu'il a tenu à préciser la teneur de la nouvelle stratégie de la sécurité de son corps, après avoir rappelé les principales missions constitutionnelles du corps de la Gendarmerie nationale et les perspectives de son développement qui s'inscrivent en droite ligne dans la politique plus globale de professionnalisation de l'armée. Le général-major a précisé, en outre, que «la situation actuelle de l'Algérie, qui se relève d'une décennie troublée, qui a menacé la République jusque dans ses fondements, et qui a fait que la Gendarmerie nationale s'écarte quelque peu de ses missions classiques pour contribuer à la lutte contre le terrorisme, amène aujourd'hui le corps de la gendarmerie à entamer sa phase de réorganisation et de redéploiement pour recouvrer ses missions constitutionnelles». Esquissant cette nouvelle réorganisation, il ajoute qu'elle vise non pas uniquement son développement, en la mettant au diapason des mutations scientifiques et technologiques que connaît le monde, mais aussi «son redéploiement pour asseoir une meilleure couverture du terrain et une plus efficace protection des biens et des personnes, en veillant au strict respect des lois de la République». Ainsi a parlé le général-major en faisant le bilan sommaire de la gendarmerie, et ouvrant, de fait, le débat sur un sujet qui a été longtemps tenu pour un tabou, à savoir critiquer publiquement un corps de sécurité, qui représente, dans une large mesure, un service public. L'autocritique des corps de sécurité et leur bilan public sont-ils, de ce fait, lancés? On serait tenté de le croire, mais il serait hâtif de l'affirmer. Dans un contexte marqué par la lutte antiterroriste et la restructuration des services spéciaux, il n'est pas encore dit que l'Algérie va faire le «déballage public» de ses autres corps de sécurité, engagés actuellement dans une lutte antisubversive violente. Ecornée, certes, par les restrictions et les verrouillages de toute sorte, la démocratie gagne, d'abord, par une véritable démocratisation des corps de sécurité.