Peu de progrès lors de l'Assemblée générale des Nations unies, l'Irak continue à partager la communauté internationale. En fait, d'aucuns estiment que les débats de ces derniers jours à l'Assemblée générale des Nations unies auront surtout consacré l'échec de la politique irakienne des Etats-Unis. Sans faire choux blanc, le président américain, George W Bush, n'a pas pour autant réussi à convaincre la communauté internationale plus que jamais opposée à l'unilatéralisme américain. Cet unilatéralisme a été condamné de fait autant par le secrétaire général de l'ONU, lors de la séance d'ouverture de l'Assemblée générale, que par le président russe, Vladimir Poutine. Les Etats-Unis, qui en sont venus à reconnaître leurs difficultés en Irak, peinent ainsi à trouver des points d'accord sur le rôle «directeur» de l'ONU réclamé par la communauté internationale, d'une part, sur la contribution financière et militaire de cette communauté internationale, d'autre part. Au moment où le président Bush déclarait, du haut de la tribune des Nations unies, que la situation sécuritaire était en constante amélioration en Irak, les faits sur le terrain ont vite fait de le démentir, avec la mort, jeudi, d'Akila Al-Hachimi, membre du Conseil de gouvernement transitoire, victime samedi dernier d'une tentative d'assassinat, et les attentats, hier et jeudi, contre des objectifs militaires et sécuritaires américains et irakiens. Le bilan en était très lourd avec la mort de sept irakiens et des blessures pour 13 autres au moment ou un soldat américain est tué à Bagdad. Cela, ajouté au deuxième attentat-suicide qui a visé lundi dernier l'ONU, cela en un peu plus d'un mois. Ce qui de fait a été suffisant pour décider le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, à réduire de manière draconienne les membres de la mission onusienne en Irak. Plus qu'un échec pour l'ONU, ce retrait d'Irak des Nations unies est essentiellement l'échec de la politique américaine en Irak, Washington ne parvenant à réaliser, en plus de cinq mois de présence dans ce pays, aucun des objectifs programmés. Ainsi, jusqu'à ce jour, les experts américano-britanniques, (plus de 1500), en armes biologiques, chimiques et nucléaires ne sont toujours pas parvenus à mettre la main sur les introuvables armes de destruction massive irakiennes, l'un des arguments massues de la guerre menée contre l'Irak. Sur le plan militaire et sécuritaire la situation s'aggrave de jour en jour au moment ou la résistance contre l'occupation apparaît mieux organisée en ne laissant aucun répit aux forces de la coalition. Au plan financier, la guerre de Bush en Irak est devenue un véritable gouffre sans fond qui alarme un Congrès quelque peu réticent à donner une rallonge de 87 milliards de dollars réclamé par Bush, alors qu'un certain malaise commence à sourdre parmi l'opinion publique américaine choquée par le nombre de plus en plus important des pertes parmi les soldats américains. A l'Assemblée générale de l'ONU, même s'il se voulait ferme dans ses propos, le président Bush n'a convaincu personne et la communauté internationale exige toujours un calendrier serré pour le transfert de la souveraineté à un pouvoir irakien. Ce différent constitue l'un des points d'achoppement entre les Etats-Unis et les autres membres des Nations unies, à leur tête la France, lesquels font du retour rapide de la souveraineté à l'Irak une question de principe. Point de vue qui n'est pas partagé par Washington qui estime que les conditions ne sont pas réunis pour une telle séquence, car selon le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, le transfert à un pouvoir «non élu et donc illégitime» ne ferait que prolonger la violence dans ce pays. La seule concession que les Etats-Unis ont concédé à leurs adversaires, consiste dans le délai donné aux Irakiens pour mettre au point une Constitution, comme l'indiquait hier Powell, dans une interview au New York Times dans laquelle il déclarait «Nous voudrions leur donner (aux Irakiens) un délai. Ils ont six mois. Ce sera un délai difficile à tenir mais il faut qu'on les fasse avancer», réitérant que les Etats-Unis «n'entendaient pas transférer le pouvoir en Irak avant l'élection de nouvelles institutions». Le temps joue-t-il pour Washington? Sans doute pas, mais les Américains sont bien décidés à rester en Irak autant de temps qu'il le faudra, comme le soulignait Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la Défense, l'un des faucons les plus déterminés à faire la guerre en Irak, qui affirmait hier : «Je ne connais personne qui pense que nous ne serons pas en Irak avec un nombre significatif de troupes à la fin de l'année prochaine.» Autant dire que Washington, s'il cherche l'aide de la communauté internationale, n'est disposé à céder sur rien quant à ses prérogatives de puissance occupante en Irak. Prenant la parole devant l'Assemblée générale, le président russe, Vladimir Poutine, emboîtant le pas au secrétaire général de l'ONU, indiqua: «La position de la Russie est claire et constante : seule une participation directe des Nations unies dans la reconstruction de l'Irak donnera à son peuple une chance de définir son avenir de manière indépendante.» Or, les Etats-Unis, qui ont mis l'Irak sous leur tutelle, veulent superviser les choix des Irakiens, et dès lors, une participation directe de l'ONU devient, aux yeux de Washington, à tout le moins inopportune. Les Etats-Unis ne sont en fait prêts à élargir les prorogatives de l'ONU que dans le seul secteur humanitaire, se réservant le droit de contrôle pour tout ce qui relève de la politique et du militaire. Washington est uniquement intéressé par l'argent et les troupes de la communauté internationale, sans pour autant accepter de lui céder un pouvoir en conséquence dans le processus de reconstruction de l'Irak. Cette dichotomie entre la communauté internationale et les Etats-Unis est largement apparue lors des débats de la 58e session de l'Assemblée générale de l'ONU.