Pour Nouara Saâdia Djaâfar, ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine, cette rencontre «s'est caractérisée par un dialogue franc comme le veut la démocratie». Sujet tabou dans la société arabe, le corps a été au centre du débat et le thème principal d'un colloque animé, hier et samedi dernier, à la salle de conférence de l'hôtel Safir. Organisé par l'association «Femmes en communication», ce colloque a soulevé maints questionnements liés à l'épanouissement de la femme en butte à l'étroitesse d'esprit de la majorité des hommes dans les sociétés arabes. La femme peut-elle écrire sur le corps sans pour autant être stigmatisée? Une question pertinente à laquelle les conférenciers ont tenté de répondre. «Au départ, la femme parle de son espace limité alors que l'homme se veut le porte-parole d'une communauté donnée», dira Alawia Sabah. La résultante est cette confusion entre l'auteure et le personnage dans les romans écrits par des femmes. «La femme restera confinée dans ce genre de questionnements tant qu'elle reste emprisonnée dans un univers masculin qui autorise ou lui dicte ce qu'elle doit écrire», fait -elle remarquer. Il est évident pour l'écrivaine libanaise Alaouiya Soubh, qu'il existe une fine marge entre «l'insolence et l'audace dans l'écriture». Ce qui importe pour la femme, selon elle, est d'élever le niveau de sa créativité. «Le corps n'est pas un objet. C'est la vie, une forme d'expression qui ressent et porte en lui tous les désirs tant qu'il est en vie. On ne peut cesser d'écrire sur le corps, tant il fait partie de notre vie et notre entourage», a souligné cette femme. Abordant en préambule sa conférence, Mme Sabah dira en effet, que le corps s'est transformé avec le temps, en une chose «enveloppée d'un discours idéologique, déshumanisée». Elle relève que «le corps féminin est dissimulé sous de nombreux voiles, car perçu comme une énigme non encore résolue par l'homme. La représentation des relations sexuelles en littérature est liée à une question de pouvoir, elle est rapportée telle imaginée par la plume masculine. Or, l'écriture ne se fait pas sans un souffle créatif libre. L'écriture féminine se doit d'être libérée de toute contrainte sociale et penser, non en termes de réaction, mais comme un droit légitime que lui confère son statut d'écrivain à part entière». Pour la Jordanienne Bassma Anssour, avocate et auteure, sa communication se basera sur plusieurs témoignages, néanmoins avec une seule conclusion, à savoir «l'emprisonnement du corps de la femme». D'emblée, Mme Ansour parle de la femme comme étant une entité de seconde catégorie dans l'imaginaire arabe. «Quand une femme accouche d'un garçon c'est la fête et la joie à la maison. Au contraire, quand c'est une fille, ceci peut conduire à sa répudiation.» Et d' ajouter: «Le garçon est vite habitué à faire ce qu'il veut et à prendre conscience de sa force alors que la fille est brimée dans ses désirs dès son jeune âge. Le garçon fait tous les sports qu'il veut, or on interdit à la fillette de grimper sur un arbre par crainte de perde sa virginité, si elle est amenée à tomber. La mère apprend très tôt à la fille à cacher son corps des regards de l'autre en lui inculquant la timidité. Elle est éduquée au mariage avant même d'atteindre une maturité suffisante.» Des clichés somme toute relatifs peut-on dire, mais qui sont pour Basma Ansour plus que vrais car dit-elle «la réalité est souvent pire que ça». C'est en tout cas la présentation de la femme, faite selon elle, dans les oeuvres de Naguib Mahfoud. Et de renchérir: «Dans la littérature, en Jordanie, la femme souffre énormément.» Et de faire remarquer: «Tant que la femme ne se réconcilie pas avec sa féminité, l'artiste arabe ne peut avancer sans qu'elle ne soit confrontée au feu des accusations de l'homme.» La femme dans le patrimoine amazigh a été, par ailleurs, le thème de la communication de l'universitaire Fadma Nedjaï de Tizi Ouzou. Celle-ci s'attachera au patrimoine pour évoquer le rapport de la femme avec son corps et le désir sexuel. D'après une étude faite sur des femmes kabyles, 56% contre 31% ont affirmé qu'elles peuvent avouer à leur mari leur satisfaction au lit ou non, prouvant par là la liberté de ton chez la femme kabyle. D'autres, par contre, préfèrent exprimer leur désir par la suggestion. «L'avis des femmes est souvent noyé sous le poids des traditions et le silence de la tribu», autrement dit, basé sur les non-dits. Mme Nedjaï fera appel à des légendes issues du patrimoine pour évoquer la place du corps dans la société arabe et la liberté du langage du temps du Prophète (Qsssl). Présente lors de cette deuxième journée du colloque, Mme Nouara Saâdia Djaâfar, ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine dira sa satisfaction pour cette initiative qui s'est caractérisée, dira-t-elle, «par un dialogue très franc». Et de souligner: «Cela veut dire que le patrimoine commun qui existe entre ces femmes arabes nécessite plus de recherches et d'approfondissement. Il fut, en tout cas, très enrichissant. J'espère qu'il y aura d'autres initiatives de ce genre pour qu'on connaisse davantage notre patrimoine, surtout la jeunesse. C'est cela la démocratie, c'est d'être libre de s'exprimer dans toutes les formes de l'art. Il faut qu'on avance ensemble.»