La première visite d'un Premier ministre turc à Athènes intervient au moment où la Grèce traverse des moments difficiles en butte à une lourde dette qui l'a mise au bord de la banqueroute. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, entame demain une visite historique à Athènes alors que la tourmente financière qui frappe la Grèce a conduit les deux pays voisins et longtemps rivaux à envisager une réduction réciproque de leurs dépenses d'armement. M.Erdogan et son homologue, Georges Papandréou, vont coprésider la première réunion d'une plateforme consultative comprenant 10 ministres de chaque pays, conçue dans le but de renforcer les liens entre les deux alliés au sein de l'Otan qui, en 1996, encore étaient à deux doigts de se déclarer la guerre. «Nous pensons que ce sera une visite très importante, une visite historique», a affirmé un diplomate turc de haut rang. «Nous avons l'espoir qu'une ère nouvelle va s'ouvrir dans les relations turco-grecques». La Grèce, dont le budget d'armement est proportionnellement l'un des plus élevés d'Europe, s'est engagée à une cure d'austérité drastique pour réduire son déficit public qui frôlait 14% du PIB en 2009, en contrepartie d'un plan de sauvetage financier du pays au bord de la banqueroute. La visite de M.Erdogan a été précédée par des appels d'un ministre turc à une réduction réciproque des dépenses d'armement. «Nous devons nous réveiller, parce que certains pays touchent les bénéfices de notre armement. La crise est une opportunité», a affirmé le ministre d'Etat en charge des Affaires européennes, Egemen Bagis, dans un entretien publié par le quotidien grec Ta Nea, lundi. «Nous n'aurons pas une autre chance comme celle-ci avec Erdogan et Papandréou. Ils ont la volonté de faire des choses et nous devons soutenir ces grands dirigeants», a-t-il poursuivi. L'appel a cependant été accueilli avec scepticisme à Athènes où le ministre de la Défense, Panos Béglitis, a dénoncé mardi «un manque de corrélation entre la mise en cause de la souveraineté (grecque) en mer Egée et les annonces rhétoriques de réduction bilatérale des armements». Il faut «une pratique de respect du droit international et des traités internationaux pour créer un climat de confiance et de sincérité entre les deux gouvernements et les deux pays, pour avancer graduellement vers la diminution des armements», a-t-il ajouté. Pour 2010, la Grèce a affecté 6 milliards d'euros à ses dépenses d'armement, soit 2,8% de son PIB. En Turquie, deuxième pays de l'Otan en termes d'effectifs militaires, ces dépenses ont représenté 1,8% de son PIB en 2008. Et l'armée turque justifie une partie de ses dépenses militaires par la lutte contre l'insurrection kurde. En 1996, les deux pays avaient été proches de se déclarer la guerre en raison d'un différend sur la possession d'îlots inhabités en mer Egée. En dépit d'une nette amélioration dans les relations bilatérales depuis 1999 - un rapprochement initié par M.Papandréou, alors chef de la diplomatie, et son homologue turc Ismaïl Cem - les tensions turco-grecques se perpétuent autour des questions de la délimitation des eaux territoriales en mer Egée et du conflit chypriote. En 2006, un pilote grec est mort lors d'une collision entre deux avions de chasse grec et turc qui se livraient à des manoeuvres d'intimidation. Les ministres des Affaires étrangères, de l'Intérieur, du Commerce extérieur, de l'Energie, des Transports et du Tourisme figurent dans la délégation, entourant M. Erdogan, également accompagné de dizaines d'hommes affaires.