En attendant Rachid Bouchareb, c'est une autre compatriote, Baya Kacemi, qui a fait l'événement dans une autre section cannoise, la «Semaine de la Critique» dédiée aux premiers et seconds films. Avec son film Le nom des gens coréalisé avec Michel Leclerc. A l'origine du sujet, l'histoire d'une rencontre entre les deux auteurs: - Baya, c'est brésilien? - Non, c'est d'Algérie! - Et toi, tu t'appelles comment? - Michel Leclerc - Avec un nom pareil, on sait au moins d'où tu viens... En effet, ce patronyme est aussi célèbre pour la chaîne de magasins qui porte ce nom et ce, à travers toute la France. Et c'était parti pour une histoire d'amour, puis, bien plus tard, pour une fiction qui a reçu le prix du meilleur scénario en 2008. Et puis pour le film qui fit l'ouverture de la Semaine et qui fit se plier de rire, sur un sujet aussi grave que triste, celui de l'identité que le débat actuel, en France, pose en termes plus que restrictifs. Avec le spectre du communautarisme en (affreuse) perspective... La tonitruante histoire serait celle de Baya Benhamou, qu'incarne avec beaucoup de culot et de brio Sara Forestier, fille d'un couple mixte algéro-français et qui en a marre d'être interpellée à chaque fois par rapport à ses origines et non à son appartenance citoyenne à une communauté nationale...En d'autres termes, elle n'est cantonnée que dans la sphère religieuse sans aucune jonction possible avec le reste de son entité, partie intégrante s'il en est, d'un corps national, empreint de diversité...En bonne fille à ses parents, Baya B. va décider de mettre en adéquation ses idées politiques avec son engagement dans la société. Elle s'établit pour ce faire, un code de conduite, anarcho-libertaire assez hédoniste, du reste. Le problème c'est que cette jeune militante a un handicap, une sorte de perte de mémoire, qui la rend aussi innocente qu'un bébé qui vient de naître...Le problème c'est que cela peut lui arriver dans la rue, dans le métro et que la météo ne serait pas la seule, dans ce cas, à attirer sur elle la foudre, mais aussi tous ceux que cette vérité toute....nue peut faire dresser les poils d'une barbe bien fournie...Et justement, à propos de barbu, Sara ne reculera pas devant «l'obstacle» islamiste pour mettre en pratique sa méthode... Celle qui consiste à utiliser son corps comme outil de conversion politique des hommes de droite vers la gauche...Toutefois, c'est d'un homme de gauche qu'elle va tomber amoureuse, toujours avec sa même méthode... Contradiction? Non, c'est le juste fonctionnement d'une règle qui veut (bien) admettre que l'exception est là pour confirmer le reste...Par amour pour son chéri, elle ira même jusqu'à lui offrir, en cadeau d'anniversaire, l'homme politique qu'il admire le plus et qui viendra donc sonner à leur porte au dessert. Lionel Jospin, himself! C'est un moment aussi désopilant qu'émouvant...Jospin se prête de bonne grâce au jeu, allant jusqu'à comparer un jospiniste à cette espèce rare de canard à col vert. Présent dans la salle, l'ancien candidat à la présidentielle, a pu vérifier sur place que sa vocation d'acteur en herbe a été bien reçue par un public qui en redemandait encore... Cela nous a fait penser à l'intrusion de Daniel Cohn Bendit dans Un Amour à Paris de Merzak Allouache. Là aussi, le leader de Mai 68 faisait avec beaucoup d'ironie le bilan de son action militante... Signalons le jeu, à la Zinet, de Zineddine Soualem dans le rôle du père Benhamou. Un acteur qui dévoile d'autres facettes d'un registre déjà bouleversé par son interprétation d'un président haïtien dans le dernier film de Raoul Peck. Et c'est aussi avec les artifices de l'humour que le magistral Mike Leigh aborde dans Another Year une autre peinture a-minima de la famille en crise sur la base d'un synopsis qui a nécessité trois mois de répétitions pour raconter une histoire de la vie en quatre saisons: «Deux des personnages, Ken et Mary, sont deux revers d'une même solitude. Tom et Gerry, le couple solide, sont eux, les deux aspects d'une même complicité.» Le cinéaste anglais était déjà venu trois fois à Cannes et toujours en compétition. Il serait prématuré de dire qu'il aura sa seconde Palme, après Secrets et mensonges (1996) mais en tout cas il en prend bien le chemin...Nous y reviendrons.