Le cycle, «Les nouvelles musiques d'Orient» s'est achevé timidement mercredi dernier à la salle Ibn Zeydoun. Le maître du Bouzouk Issa Hassan, après avoir été le guest du célèbre pianiste Ellie Malouf, au mois de mai dernier, est revenu cette fois pour donner un concert exceptionnel, entouré d'un contrebassiste et d'un jeune musicien à la derbouka. L'entame se veut un morceau acoustique a relent oriental qui prend un peu d'épaisseur et de rythme. Issa Hassan, qui annonce le programme musical de la soirée, évoque le retour d'Ellie Malouf au pinao. «Il est plus qu'un ami pour moi, nous travaillons ensemble depuis longtemps, il a signé les arrangements de plusieurs de mes albums.» dit-il. Songe au pays du Caucase est un titre que le trio jouera devant une assistance peu nombreuse mais attentive. Un guitariste espagnol, Manuel Delgado arrive sur scène. Il se lance dans un tempo flamenco. Issa Hassan interprète un second morceau en kurde, avant d'inviter son ami Ellie Malouf à le rejoindre sur scène. Quand Ellie pose ses doigts sur les touches du piano noir, l'âme, d'un coup, prend son envol. L'atmosphère se charge d'une mélancolie enveloppante. L'air se grise d'un je ne sais quoi de grave. Le piano a cette vertu de vous transporter vers des contrées inconnues de vous- mêmes et vous renvoies en pleine figure vos défauts et la lâcheté humaine. Au son du pionna s'ajoute le rythme de la derbouka. Ellie Malouf expérimente encore une fois les contours du jazz combinés au son oriental de Issa Hassan. Rencontre entre l'eau et le feu. Ouli, (dis- moi en arabe) entonne Issa Hassan. Il chante la souffrance de l'être aimé chagriné par le départ de son amante qui lui a fendu le coeur... Le guitariste espagnol revient. Issa annonce la chanson Dalouri, une berceuse, jouée d'abord sur un ton quasi sophronique puis enjoué. Yéré (ma bien-aimée) est interprétée par Issa avec des paroles kurdes sur de la musique arménienne. Pour clôturer son concert, Issa Hassan interprète le même titre qui fera réveiller le public algérois lors de sa dernière prestation au mois de mai. Il s'agit de Ya dzeyer de Blaoui Houari. Et des youyous fusent dans la salle! Une belle fin de concert. Disposant aujourd'hui d'une réputation internationale, Issa Hassan, née en 1970 au sein d'une famille d'origine kurde, se plait à mélanger les genres. Et ça lui va pas mal. Ses origines kurdes lui ont permis une certaine ouverture sur l'ensemble des sources culturelles orientales. Son parcours commença il y a bien longtemps dans un petit village du Kurdistan turque, quand ses grands-parents prirent le chemin de l'exil vers un pays qui devait à l'époque représenter une certaine sécurité: le Liban. Issa pratique, très jeune, les danses traditionnelles et à 15 ans il intègre le ballet de l'Institut kurde de Paris avec lequel il fait une tournée européenne. Dès son installation en Europe, il commence à montrer ses dons musicaux, notamment dans la maîtrise du bouzouk, instrument rare qui fait partie des «tanbûr», anciens luths à manches longs qui remontent au moins au Xe siècle. Issa est un virtuose incontesté de cet instrument. Comme plusieurs artistes de sa génération, Isa Hassan s'est inscrit dans une démarche qui veut à la fois magnifier l'héritage musical ancestral et converger vers une modernité audacieuse. C'est ainsi qu'il s'est attaché à créer des interactions entre son patrimoine musical et deux univers musicaux particuliers: le jazz et le flamenco. Pour le jazz, il a notamment mis en oeuvre un dialogue instrumental exceptionnel entre son bouzouk et le piano de son ami et complice, Ellie Malouf qui s'est produit à Alger le 5 mai plus précisément. Pour le flamenco, c'est avec cet Espagnol donc, Manuel Delgado qu'il s'est aventuré à reconstituer les liens profonds qui, à travers la musique, traversent la Méditerranée depuis les grandes dynasties de Baghdad et Damas jusqu'à l'Andalousie musulmane. Le succès de Issa Hassan lui a valu d'être régulièrement sollicité pour des tournées à travers le monde notamment en Europe, et en Asie. Les trois premiers albums de Issa ont particulièrement contribué à son essor artistique: Gulinar en 1995, Tooting Broadway en 2000 et l'Art du Bouzouk en 2001. Avec cet instrument-là, il a parcouru le monde et chanté dans des lieux aussi variés que l'Institut du monde arabe, les festivals de Ris Orangis ou de Médina de Tunis...Aujourd'hui consultant culturel à la fondation Instiut kurde de Paris, Issa Hassan est passionné par les expressions artistiques contemporaines kurdes. Il en fera une belle démonstration en chantant en kurde mercredi dernier. Histoire de revenir aux origines de la plus belle des façons. C'est ainsi que s'est clôturé ce cycle musical qu'organise l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel.