Insidieusement, la nouvelle méthode terroriste s'installe. Désormais, il faut faire avec les nouvelles donnes, et vivre avec l'idée de savoir comment endiguer la force de frappe, sans cesse grandissante et précise, des groupes armés. De la contestation populaire au bioterrorisme, l'évolution de la politique fondamentaliste a été fulgurante. Aux anciens schémas, traditionnellement admis, d'une nébuleuse archaïque qui rejette la modernité et se renferme dans une idéologie politico-thélogique largement sécularisée, s'est substituée une stratégie qui assimile le détail de la technologie et qui manipule aussi bien l'arme que l'outil informatique. L'attentat contre des objectifs américains a motivé une enquête internationale et la mobilisation de moyens qui dépassent de loin ceux en possession des USA. Toute la nouveauté est là. Encore faut-il ajouter que, à ce jour, aucune piste concrète n'a été identifiée, et de fait, aucun Etat ne peut, objectivement, faire l'objet d'une attaque-représailles. Le terrorisme islamique n'est pas une religion. Celle-ci, aujourd'hui, n'a connu aucun renouveau spirituel, aucune littérature, aucune modernité tels que la civilisation de l'âge d'or les a fait connaître au monde. L'islamisme fondamentaliste d'aujourd'hui s'alimente des frustrations, des agressions de la culture occidentale, de l'indigence et du retard accumulé à tous les niveaux de vie, et tant que ces «bailleurs de fonds» persistent, il y a lieu de se mettre en garde et de se prémunir contre les extrémismes de tous bords. Et puisqu'il faut bien donner une couverture, un prétexte, une justification socialement et politiquement «recevable», il n'y a pas meilleur emballage que la religion. C'est cela la contestation au nom de l'Islam qui a secoué le monde arabo-musulman, avant de secouer le monde occidental. Le problème qui se pose au monde, aujourd'hui, et se posera avec plus d'acuité, demain, c'est de faire face à ce fléau qui menace la stabilité du monde. Car les capacités qui s'offriront à lui et les voies qu'il empruntera seront totalement hors de portée si on continue à faire semblant de ne faire attention à lui que lorsqu'il frappe et fait mal. Demain, ce sera le bioterrorisme, et les fondamentalistes n'auront plus besoin de détourner des avions ou de se lancer dans des opérations périlleuses, coûteuses et de longue haleine. Mieux, les Etats agressés n'auront, en face d'eux, que des nébuleuses aux contours imprécis, aux hommes inconnus et aux bases changeantes. De pays, il n'y en aurait point. Ce sont alors des agents vivant un peu partout dans le monde, connectés à un même idéal de destruction massive, et tant pis pour l'analyse et les constatations manichéennes que les uns et les autres pourront faire après coup. Depuis le début des années 50, le monde arabo-musulman s'est retrouvé confronté à la contestation radicale d'un islamisme politique outrancier. Au Machreq, au Maghreb, dans la vallée du Nil et dans les pays du Golfe, les pays musulmans ont tous, sans exception, connu la contestation au nom de l'Islam. Depuis 1992, l'Algérie s'est retrouvée empêtrée jusqu'au cou dans le bourbier islamiste. Dix mille, vingt mille ou trente mille islamistes ont pris les armes et les maquis, tué et fait sauter des édifices, sous l'oeil «attentif» des Occidentaux. Mieux, souvent, les responsables de la lutte antiterroriste ont été traités de manière telle qu'on les sentait pires que ceux qu'ils pourchassaient. Qu'on ne se trompe pas de cible. Le fondamentalisme intégriste sans emballage théologique est un des pires ennemis du monde actuel. Aussi, doit-on lui extirper les racines et vite. Car chaque jour qui passe lui donne plus de consistance et le rend plus invisible, plus illisible.