Alors que le conflit est entré dans sa première journée de grève, le syndicat de l'entreprise menace de faire des révélations sur d'hypothétiques malversations qui auraient touché certains cadres. A la guerre comme à la guerre. Le désaccord qui oppose la direction du complexe sidérurgique d'El Hadjar aux salariés grévistes semble vouloir sortir de sa dimension sociale. Au cours de la conférence de presse qu'il a animée le samedi 19 juin, le secrétaire général du syndicat a promis de rendre publics des dossiers concernant la «mauvaise gestion» de la filiale algérienne du géant mondial de l'acier.. «Je dévoilerai ces dossiers après la grève générale illimitée que nous maintenons pour ce 21 juin. Pour le moment, notre seul souci reste la sauvegarde des intérêts des travailleurs», a-t-il déclaré. De quoi s'agirait-il? «Des billettes importées par milliers à 660 dollars/tonne ont vu leur valeur chuter de 200 dollars/tonne après leur transformation au complexe. Ce n'est pas normal. Dix années après sa prise en mains du complexe El Hadjar, le groupe ArcelorMittal n'a toujours pas investi un seul centime dans la réhabilitation des équipements de production» a indiqué Smaïl Kouadria. Un coup de bluff ou du chantage pour faire aboutir les revendications des travailleurs? Ces accusations si elles s'avéraient fondées relèveraient du strict domaine judiciaire. Ce n'est pas la première fois que le leader de la toute puissante section syndicale d'ArcelorMittal menace de mettre à exécution ce type de révélations. Au mois d'août 2009, il y a dix mois, lors d'une conférence de presse organisée en marge de la cérémonie de son installation à la tête du syndicat, il avait déjà averti: «Les transactions douteuses à ArcelorMittal El Hadjar représentent un taux de 10% par rapport au chiffre d'affaires de l'entreprise. Officiellement élu et installé, notre syndicat a aujourd'hui toute la légitimité requise pour combattre la malversation et le trafic qui nuisent à notre entreprise. Et c'est ce que nous allons faire.» L'heure a peut-être sonné pour que l'opinion publique soit éclairée sur les raisons de la descente aux enfers de ce qui devait incarner l'industrialisation et le développement d'une économie productrice de richesses. Cela devait être symbolisé par le fleuron de la sidérurgie algérienne: le complexe d'El Hadjar. Passé sous le contrôle du numéro1 mondial de l'acier, il n'a cessé depuis, de passer par des péripéties (plan de restructuration, départs volontaires, arrêt de la cokerie...) qui en disent long sur son niveau de compétitivité. Dans une économie de marché qui, de surcroît, est frappée par une crise financière internationale qui n'a pas l'intention d'en finir, la demande d'acier concernant l'industrie automobile a été rudement ressentie par le groupe. Pour rappel, ArcelorMittal a mis en oeuvre un plan qui visait à réduire ses dépenses de 1 milliard de dollars alors que sa production à travers le monde a été allégée de 35%. 13 hauts-fourneaux ont été mis à l'arrêt en Europe de l'Ouest. En Algérie, le coup de semonce a été ressenti après la mise à l'arrêt de la cockerie du complexe. Il a suscité un mouvement de grève qui a mobilisé l'ensemble des 7200 travailleurs du site mais a servi aussi à mettre à nu sa vétusté qui témoigne de sa fragilité et de la faiblesse de sa compétitivité. Sa production annuelle moyenne est estimée à 1,3 million de tonnes. Il est le maillon faible du groupe. Ce qui n'est guère annonciateur de bonnes nouvelles: «Notre objectif est d'atteindre les standards internationaux; augmenter la production avec des effectifs restreints pour être compétitifs en matière de prix sur le marché mondial», avait confié dans une interview à l'Expression, au mois de février 2008, l'ex P-DG de l'entreprise, Bernard Bousquet. ArcelorMittal n'a pas caché son intention de dégraisser ses effectifs pour remettre à niveau le complexe. Smaïl Kouadria, comme tout syndicaliste qui se respecte, s'est fixé comme priorité de préserver les postes d'emploi. Un bras de fer qui symbolise la défense des intérêts de la classe ouvrière et ceux du grand capital qui sont diamétralement opposés. Si le mot d'ordre de la grève illimitée lancé le 19 juin est respecté, il risque cette fois-ci de marquer l'histoire de la contestation du monde ouvrier en Algérie depuis son accession à l'indépendance.