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L'Algérie et sa stratégie industrielle
RETOUR SUR LES MISES EN GARDE DU PR CHITOUR
Publié dans L'Expression le 22 - 06 - 2010

Dans une remarquable contribution publiée dans ces colonnes («L'Accord d'association Algérie/UE. Peut-on y renoncer?» In L'Expression du 19 juin 2010), le Pr Ch.E. Chitour exprime une inquiétude qui est en train de saisir de plus en plus de chercheurs et d'experts algériens. Au-delà de l'Accord d'association Algérie/UE qui est en cours de révision, cinq ans environ après son entrée en vigueur (septembre 2005) et au-delà de la densité que revêtent nos relations avec les nations émergentes, la question est désormais posée de savoir s'il existe, comme le souligne le Pr Chitour «une stratégie multidimensionnelle concernant l'avenir dans le domaine de l'énergie, de l'environnement, de la sécurité alimentaire et de l'eau» Ch.E.Chitour a raison de s'interroger sur l'impact qu'auront les infrastructures publiques et les équipements collectifs programmés dans les deux plans quinquennaux sur nos structures sociales, sur la qualité de notre enseignement, sur l'aptitude de nos chercheurs à maitriser des technologies en constante évolution (V. également les chroniques du Dr Lamiri in El Watan). Le Pr Chitour se pose enfin la question de savoir s'il est vraiment utile pour l'Algérie de troquer l'actuel partenariat avec l'UE contre un autre aux contours insaisissables avec les pays émergents.
Le contexte économique actuel
C'est le lieu de rappeler que par la voix autorisée de son ministre des Finances, K.Djoudi, le gouvernement fait de la LFC pour 2009, de la LF pour 2010 et de la LFC pour 2010 (qui devrait être adoptée dans les semaines qui viennent), les principaux instruments juridiques d'une double stratégie d'industrialisation pour l'Algérie: une stratégie d'industrialisation par substitution aux importations et une stratégie d'industrialisation par valorisation des exportations (hors hydrocarbures s'entend). Nous avons, à de nombreuses reprises, exposé le contenu formel de ces deux stratégies et nous n'y reviendrons pas ici, sauf à indiquer que celles-ci se veulent en décalage avec le contenu du Code des investissements de 2001 revu et corrigé en 2006 qui fait de l'Algérie seulement une terre d'accueil d'IDE vertueux. Il est évidemment attendu du nouveau ministre de l'Industrie, des PME/PMI et de la Promotion de l'investissement (éminent spécialiste de ces questions et notamment du foncier industriel) qu'il définisse avec précision le contenu de la stratégie algérienne de développement et surtout qu'il apaise les appréhensions des principaux experts algériens qui redoutent que les deux plans quinquennaux ne génèrent pas les externalités positives escomptées, (S.Mouhoubi, M.Mékidèche, A.Lamiri, A.Bouzidi, M.Ouchichi, El Kadi Ihcène, A.Belhimeur).
Tout ce que l'on peut retenir à ce stade, est que la politique industrielle ne s'inscrira pas dans le cadre libéral car pour le gouvernement, les mécanismes du marché ne sont pas suffisants pour réguler l'économie cependant que l'intervention de l'Etat ne saurait se borner à une surveillance - fût-elle stricte - des règles concurrentielles de l'économie nationale. En effet, il faut admettre, quel que soit le sentiment de la plupart des chefs d'entreprise, que l'administration algérienne ne dispose pas et ne disposera pas avant longtemps des instruments de surveillance des règles de la concurrence, quel que soit le type de marché envisagé (marché des biens et services commerciaux, marché des capitaux, marché des changes, marché du travail, marché interbancaire, etc.). En revanche, la politique industrielle devrait s'inscrire dans le courant keynésien (par conséquent, à l'opposé de la thèse de l'ancien ministre des Finances A.Benachenhou, qui considérait que Keynes était mort pour l'Algérie) qui veut que l'Etat intervienne pour la concrétisation d'objectifs prioritaires, le secteur privé coexistant avec un secteur public en charge d'une mission fondamentale de développement économique. Pour ce faire, l'Etat devra concevoir une politique d'ajustement reposant sur des interventions réglementaires (Cf. les quatre instructions du Premier ministre en application de la LFC pour 2009 concernant l'investissement) et mettre en place des politiques fonctionnelles, à travers subventions et aides qui permettront de promouvoir les activités industrielles (d'où la nécessité d'évaluer la fiabilité et l'efficacité des dispositifs d'aide à l'emploi, qu'il s'agisse de celui de l'Ansej, de celui de l'Anjem ou encore de celui de la Cnac, non pas seulement à l'aune du nombre d'emplois créés, mais aussi au regard de la valeur ajoutée apportée à l'industrie).
Les objectifs de la politique industrielle algérienne
Les objectifs politiques et sociaux de la politique industrielle, tels qu'ils ressortent des deux plans quinquennaux (2005-2014), sont d'assurer l'indépendance de l'Algérie dans les secteurs industriels sensibles (pétrole, gaz, électricité, énergie nucléaire) et de mettre en place un modèle de développement qui fasse émerger un large consensus national (lequel demeure encore faible en dépit de l'ampleur des transferts sociaux réalisés chaque année par la LF). Les objectifs économiques sont au nombre de trois: (a) mise en oeuvre d'une politique de sortie de crise de l'offre locale de biens de production et de biens de consommation qui demeure trop rigide, (b) pilotage du secteur secondaire (industrie de transformation, BTP) qui reste le moteur du développement économique, enfin (c), la gestion de l'ensemble des changements qui vont durablement affecter le système économique (degré d'ouverture des frontières, ampleur des programmes industriels régionaux, mutations technologiques à favoriser, suivi des opérations de partenariat public/privé et national/ international). Il ne s'agit nullement ici de laisser entendre que ces objectifs seront atteints à l'horizon 2014, voire même plus tard. Tout dépendra de la nature des instruments de la politique industrielle et du succès de leur adéquation aux objectifs de cette politique elle-même. En effet, on attend toujours de connaitre les différents types d'instruments de la politique industrielle. Les instruments à effets directs consisteront certainement dans une politique de promotion de l'ensemble des entreprises à travers les prix ou l'aide aux exportations. Il y aura également une politique de développement de certaines formes, eu égard au rôle d'entraînement qu'elles jouent dans le jeu industriel global (Snvi notamment) ou de leur apport à la réalisation d'un objectif d'ambition nationale, comme la reconquête d'une filière de production (électronique, matériaux de construction, etc.). Quant aux instruments à effets indirects, ils sont contenus dans les politiques conjoncturelles générales (fiscale, budgétaire, monétaire, des salaires) qui devront être beaucoup plus affinées et mieux ciblées et dans des politiques d'infrastructures qui sont actuellement menées (aménagement du territoire, soutien à la recherche) mais dont les coûts devront être maitrisés et l'évaluation de leur impact économique périodiquement entreprise.
Les mises au point officielles sont donc attendues avec impatience. Après avoir mis en branle un dispositif de contrôle fiscal, des changes et du commerce extérieur largement approuvé par les hommes d'affaires honnêtes et scrupuleux que compte notre pays, il revient à présent au gouvernement de rassurer les experts qui souhaiteraient le relayer pour susciter un nouvel élan d'optimisme.
(*) Professeur en droit des affaires
[email protected]


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