Environ 2,5 millions d'électeurs, sur une population de 5,3 millions d'habitants, doivent se prononcer sur la nouvelle Constitution. Voter ou rester chez soi, espoir d'amélioration ou résignation: les avis sur le référendum constitutionnel d'aujourd'hui au Kirghizistan sont très partagés à Och, épicentre des récents affrontements interethniques où l'on redoute de nouvelles violences. Moins de trois semaines après les événements de la mi-juin qui ont fait selon les autorités jusqu'à 2000 morts dans le sud de ce pays pauvre d'Asie centrale, les tensions entre Kirghiz et la minorité ouzbek sont encore vives. Le couvre-feu instauré dans le Sud dans la région d'Och après le début des violences a été levé hier. Cependant, des barrages de contrôles ont été maintenus dans la ville et la région et les contingents de forces de l'ordre ont été renforcés à certains endroits. Environ 2,5 millions d'électeurs, sur une population de 5,3 millions d'habitants, doivent se prononcer sur la nouvelle Constitution, dont le principal amendement affaiblit considérablement le président au bénéfice du Parlement, afin d'éviter la concentration du pouvoir dans les mains d'une seule personne. Le président déchu, Kourmanbek Bakiev, a été renversé début avril au cours d'un soulèvement populaire sanglant (87 morts), en raison de la dérive autoritaire et du népotisme ayant caractérisé son mandat. L'opposition s'est alors emparée du pouvoir et a formé un gouvernement provisoire. A Och, deuxième ville du pays, de nombreux habitants affirmaient hier qu'ils iraient voter pour la nouvelle Constitution en espérant que cela contribue à stabiliser le pays. «Moi je vais aller voter pour que la vie s'améliore et pour que ces événements (les violences meurtrières de la mi-juin, ndlr) ne se reproduisent plus», a confié, un Kirghiz dont l'opinion reflète aussi celle d'électeurs de la communauté ouzbek. D'autres disent qu'ils ne participeront pas à ce scrutin qui, selon eux, ne changera rien à la situation et redoutent à cette occasion de nouvelles violences interethniques. Mais ramener l'ordre dans le pays «n'est pas possible sans l'adoption de la Constitution et la formation de structures d'Etat», a insisté jeudi la présidente par intérim, Rosa Otounbaïeva. Si le oui l'emporte, Mme Otounbaïeva sera légitimée dans cette fonction jusqu'à la présidentielle prévue en octobre 2011. Le référendum est suivi de près à l'étranger, notamment par les Etats-Unis qui disposent à l'aéroport de Bichkek, dans la banlieue de la capitale kirghize, d'une base militaire essentielle pour les opérations en Afghanistan. «Nous espérons un référendum équitable et transparent, qui représente un pas sur la voie de la gouvernance démocratique», a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine, Philip Crowley. L'empressement des nouvelles autorités à vouloir organiser cette consultation dans un contexte de tensions pourrait avoir l'effet inverse et miner davantage l'autorité du jeune régime, avertissent des experts. Des électeurs estiment aussi que ce scrutin n'aurait pas dû être organisé si vite, à l'image d'Ogozgoul Bektanova à Och: «La situation n'est pas encore normalisée. Je n'irai pas voter, je ne suis pas prête pour ça, la ville n'est pas prête non plus», dit cette habitante de l'ethnie kirghize. Même sentiment chez une électrice de l'ethnie ouzbek, «moi je ne vais pas voter. Ma voix ne signifie rien et de toute façon je ne fais plus confiance à personne après ce qui s'est passé», confie cette femme qui a perdu son travail dans un café incendié lors des violences. Indécis, certains affirment qu'ils iront voter mais sans savoir encore comment. Nombre d'électeurs ignorent le contenu des nouveaux amendements et n'espèrent qu'une chose: la stabilité et la paix.