Drapés d'une épaisse couche de poussière et autres souillures cumulées depuis plusieurs jours, ces moyens de transport offrent une image bien triste. Emprunter les transports en commun n'est pas une affaire de tout repos. Les millions de citoyens, contraints d'utiliser ce moyen de transport, font face à une anarchie qui défraie la chronique. «Je ne comprends pas comment l'un des secteurs les plus névralgiques a été privatisé sans qu'aucune réglementation ne soit établie. C'est l'anarchie dans toutes ses dimensions. C'est un transport en commun hors du commun», s'indigne un usager de la ligne Birtouta-Birkhadem. Décrié à l'unanimité par des usagers qui ne savent plus à quelle porte frapper, le transport urbain, notamment celui assuré par le privé n'obéit qu'à une seule loi, celle de l'anarchie. Vétustes, de nombreux bus et fourgons assurant le transport urbain sont en piteux état. Vitres cassées, coussins éventrés et détachés, sièges tordus, portes maintenues par des ficelles et souvent des planchers et des toits percés sont le décor offert au quotidien. Quant à la propreté, c'est un concept inconnu. «La propreté dans les bus est devenue un luxe», commente Mohand, habitué de la ligne Kouba-Place du 1er-Mai. Le constat est sans appel. Très sales à l'intérieur comme à l'extérieur, les bus ne sont plus en mesure d'assurer une meilleure qualité de services basée en premier lieu sur la propreté. Drapés d'une épaisse couche de poussière et autres souillures cumulées depuis plusieurs jours, ces moyens de transport offrent une image bien triste. L'intérieur n'est pas meilleur, en fait. La poussière montant du plancher vous prend à la gorge au moindre démarrage, ajoutée aux pincées de chique et aux chewing-gums collés ça et là, ne reflètent en rien le statut de service inhérent au transport des personnes. Outre la propreté, nombre de chauffeurs et de receveurs ignorent la courtoisie. Le civisme de certains est, en effet, à remettre en cause. Mis à part le fait de parler à voix très haute, chauffeurs et receveurs tiennent un langage pour le moins choquant. «Ils sont agressifs et brutaux dans leur langage et même leurs manières. Une fois, j'ai osé réclamer le ticket, j'ai eu droit à un flot de mots orduriers de la part du receveur», témoigne Racim, un jeune étudiant à la faculté de droit de Ben Aknoun. Pour Mounir, les choses sont allées beaucoup plus loin. «Il y a quelques mois, j'ai rencontré le même problème en empruntant la ligne Place des Martyrs-Ben Aknoun. Alors que j'exigeais mon ticket, le receveur s'est carrément jeté sur moi et m'a lancé son poing sur la figure», raconte-t-il. Traumatisé, il s'en est sorti avec un nez cassé, la lèvre supérieure fendue et plusieurs points de suture. La brutalité de certains de ces énergumènes a même touché des femmes. «Ce jour-là, le bus était plein à craquer. Le receveur n'arrêtait pas de me demander de reculer à chaque arrêt. Les passagers étaient collés les uns aux autres. N'y pouvant plus, j'ai exprimé mon indignation et dit basta. Le receveur, impertinent, m'a lancé à la figure que si cela ne me plaisait pas, je n'avais qu'à descendre et prendre un taxi», s'indigne Hakima, la cinquantaine. Selon elle, rares sont les transporteurs qui respectent le cahier des charges fixant les conditions d'exercice de l'activité de transport. Le non-respect de la charge indiquée par la loi est légion. Il est devenu assez courant de voir ces bus bondés à tel point que le déplacement des usagers à l'intérieur, notamment pour descendre au niveau des arrêts, est des plus périlleux. «Les policiers ne leur retirent pas leurs papiers.», estime, pour sa part, Hafidh, lui même agent de l'ordre public. Plusieurs témoignages ont également abondé dans ce sens. D'autre part, ces transporteurs font fi du Code de la route. Il n'est pas exagéré de les comparer aux pilotes de Formule1, mais avec des morts sur leurs passages. Le comble demeure le non-respect des temps d'arrêt. «Entre Blida et Birkhadem, j'ai fait plus d'une heure et demie alors que la circulation était fluide. A chaque arrêt, le chauffeur mettait plus de dix minutes. Un arrêt n'est, après tout, pas une station de bus. Maintenant, je n'espère plus arriver à l'heure à mon travail», souligne Salima pour qui les bus sont devenus un véritable cauchemar. L'état des stations de bus est aussi peu enviable. Manque de places de stationnement, non-conformité du parc roulant, attribution anarchique de lignes de transport, sont autant d'insuffisances à relever. «Qu'attend l'Etat pour intervenir?», s'interrogent les usagers, qui parfois, sont complices de par leur passivité, surtout que le secteur public semble avoir subi une certaine contagion avec le secteur privé.