Plus que jamais décidé à frapper l'Irak, quel qu'en soit le prétexte, Washington voit ses relations avec Berlin se brouiller. L'acceptation par Bagdad du retour sans condition des inspecteurs en désarmement de l'ONU n'a pas eu l'heur de contenter Washington, plus que jamais déterminé à croiser le fer avec l'Irak. Au moment où la communauté internationale, dans son ensemble, affichait sa satisfaction après la décision de Saddam Hussein d'accepter le retour de la mission en désarmement de l'ONU, les Etats-Unis, a contrario, font cavalier seul et veulent imposer aux Nations unies et à la communauté internationale leur propre lecture des événements. Alors que les principaux acteurs du dossier irakien estiment qu'il n'est nul besoin de nouvelle résolution, la mission créée en 1999 par l'ONU, au lendemain de la dissolution de l'Unscom, étant habilitée à se déployer immédiatement sur le terrain, Washington veut, quant à lui, une résolution plus «musclée» lui donnant d'intervenir militairement à tout moment contre Bagdad. De fait, l'Irak s'oppose résolument à toute nouvelle résolution estimant qu'une telle résolution ne serait pas «conforme avec ce qui a été convenu avec le secrétaire général de l'ONU, (Kofi Annan) pour la reprise sans condition des inspections en désarmement». Le président russe, Vladimir Poutine, qui partage l'opinion des Irakiens, dans un entretien téléphonique avec son homologue américain, George W. Bush, réclame, au contraire, une reprise rapide de ces inspections. Selon le porte-parole du président Poutine, Alexei Gromov, «Vladimir Poutine a souligné que, dans la situation actuelle, il était nécessaire de concentrer les efforts sur une reprise au plus vite des activités d'inspection». De fait, tout le monde tente de calmer le jeu et d'appeler à la retenue, à l'exception des Etats-Unis qui continuent de focaliser sur une attaque contre l'Irak. Une attaque, comme de juste, placée sous le signe: agissons d'abord, vérifions ensuite. C'est exactement la stratégie que compte mettre à exécution Washington, comme le montre un document publié vendredi et ayant trait aux nouvelles options américaines en matière de défense et de sécurité. Dans ce rapport de 31 pages il y est notamment affirmé: «Nous voulons être prêts à arrêter les Etats voyous et leurs associés terroristes avant qu'ils ne soient capables de menacer ou d'utiliser des armes de destruction massive contre les Etats-Unis, leurs alliés ou leurs amis». Ne s'embarrassant pas de la fiabilité des faits, le texte ajoute: «Plus grand est le risque de rester passif, et plus fort est l'argument pour décider d'une action préventive pour nous défendre, même s'il y a des incertitudes sur le moment et le lieu des attaques ennemies (...)». On tire d'abord on s'explique ensuite! Depuis l'arrivée de George W.Bush à la tête de l'administration américaine, l'offensive tous azimuts est la règle, même si, jusqu'à ce jour, rien n'est venu étayer l'alarmisme dont font montre les Américains. C'est ainsi que, ignorant les mises en garde du secrétaire général de l'ONU y compris celles de leurs alliés et amis, les Etats-Unis n'en démordent pas et veulent d'une manière ou d'une autre porter la guerre contre l'Irak. Le dernier avatar du dossier irakien est la brusque tension entre les deux alliés allemand et américain. C'est ainsi que les relations entre Washington et Berlin se font de plus en plus tendues et se sont pratiquement envenimées avec la déclaration de la ministre allemande de la Justice laquelle est allée jusqu'à faire le parallèle entre Bush et Hitler. Dans cette déclaration devant les syndicats allemands, Mme Daeubler-Gmelin avait dit: «Avec la guerre, Bush veut détourner l'attention des problèmes de politique intérieure. C'est une méthode appréciée. Hitler l'a déjà fait aussi.» Cette déclaration a, bien évidemment, provoqué la montée au créneau de toute la hiérarchie de l'administration américaine qui dénonça fermement les propos de la ministre du gouvernement de Gerald Schröder. Le chancelier allemand est, pour sa part, demeuré très ferme sur sa position inflexible en s'opposant à une frappe de l'Irak et en refusant, de la même manière, d'engager son pays dans une aventure voulue par les seuls Américains. De fait la fermeté de Schröder face aux Etats-Unis, lui a permis de remonter sensiblement dans les sondages à la veille d'élections législatives cruciales pour son maintien au pouvoir. Par petites touches, le dossier irakien est en train de bouleverser les relations internations et remet en cause des alliances, jusqu'ici réputées immuables, mettant à nu le jeu solitaire des Etats-Unis.