Cette loi devra permettre la «traçabilité» de l'argent liquide en imposant son cheminement à travers le circuit formel. Initialement fixé à 5 millions de centimes, l'achat de l'or pour plus de 50 millions de centimes devrait désormais se faire par chèque. Cette mesure, selon les bijoutiers, manque de clarté quant à son application. En effet, s'adresse-t-elle aux grossistes bijoutiers, aux artisans? Concerne-t-elle le lingot fin 24 carats ou les lingots (24) reconstitués à partir de bijoux cassés destinés à la fonte et au raffinage? Ou encore, concerne-t-elle le simple achat d'un ou plusieurs bijoux destinés pour la dot de la mariée par exemple? Surtout lorsqu'on sait qu'une simple parure sertie de pierres synthétiques coûte la bagatelle de plusieurs dizaines de millions de centimes. Toujours est-il qu'elle coûte souvent bien plus que la «modeste» somme de 50 millions de centimes, seuil affiché par la Cellule de traitement du renseignement financier (Ctrf) qui active au sein du ministère des Finances.Auteur de ce nouveau texte de loi, la Ctrf entend par là lutter contre la circulation de liquidités importantes qui pourraient provenir d'activités illicites et criminelles. L'Algérie a ratifié, faut-il le rappeler, les conventions internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent servant surtout à financer le terrorisme dans le monde. Une loi-cadre avait été même adoptée en Algérie et la création de la Ctrf, cellule de veille et d'action, a été fort bien accueillie. Il est indéniable que cette loi contraignante devra permettre la «traçabilité» de l'argent liquide en imposant son cheminement à travers le circuit formel dûment établi qui témoignera de sa destination finale. Contactée par nos soins, l'Association des bijoutiers, horlogers et lapidaires, (Abhl) a estimé, par la bouche de son président, Mustapha Touabti, que «cette mesure est, à son avis, inutile et inopérante sur le terrain». Il s'explique: «Si elle concerne le bijoutier vendeur détaillant, celui-ci achète une ou deux fois l'an des bijoux avec facture. Le reste de l'année, il remplit sa vitrine avec des achats non facturés, bien que les bijoux exposés soient poinçonnés et de qualité sûre et les contrôleurs des services de garantie de bijoux en métaux précieux en sont les garants de par leur vérification impromptue dans les magasins. Ce bijoutier peut également contourner, dit-il, cette mesure en achetant plusieurs fois en petites quantités pour des montants inférieurs à la somme ´´limite´´, à savoir, 45, 40, ou 48 millions de centimes à la fois! C'est une loi, argue-t-il, destinée aux bijoutiers ´´en règle´´ avec les impôts, les services de garantie, de l'emploi et qui disposent d'un ou deux vendeurs déclarés en bonne et due forme et aussi avec d'autres administrations qui réglementent la filière.» «C'est une loi inapplicable en Algérie ou alors à peine à 10%», a souligné Touabti qui a rappelé, à cette occasion, «une précédente mesure qui exigeait à tout commerçant d'établir une facture qui dépasserait 50 DA d'achat. Une exigence balancée dans la précipitation qui est devenue d'ailleurs caduque en peu de temps», s'est-il écrié. Créée en 1999, l'Abhl, à laquelle préside Mustapha Touabti, regroupe un millier d'adhérents. Touabti a occupé également le poste de vice-président de l'Association des bijoutiers algériens (ABA) tombée aujourd'hui en désuétude. Créée en 1989, cette association comptait quelque 6500 membres adhérents peu de temps après sa création. Pour rappel, c'est l'ABA qui avait ordonné, en 1990, une grève de trois mois de tous les bijoutiers d'Algérie qui avaient alors baissé rideau. «Du jamais-vu dans cette profession!», s'est plu à souligner Touabti. Les quelques bijoutiers vendeurs abordés en ville, d'abord étonnés et pas du tout au courant de cette mesure, sont unanimes pour dire que c'est une réglementation qui ne peut être applicable chez nous. «Je vois mal, une bonne femme venue garnir le trousseau de sa future bru ou de sa fille, me signer un chèque pour acquérir un bijou», s'accordent à dire les bijoutiers sollicités. Nos clientes sont pour la plupart des mères de famille rarement instruites et pas du tout au parfum de cette procédure «moderne» qui leur complique la vie, renchérit un autre, non sans s'esclaffer bruyamment quant à la mise en pratique de cette mesure. Désirant en savoir plus sur cette nouvelle mesure auprès de la Ctrf au niveau du ministère des Finances, l'on nous a appris que le président de la cellule était absent pour une huitaine de jours.