Que pensez-vous de la mesure portant sur l'obligation de paiement par chèque pour toute transaction dépassant les 500 000 DA, décidée récemment en Conseil des ministres ? Il me semble que l'Algérie a beaucoup tardé à imposer l'option de paiement par chèque des transactions commerciales, car force est de constater que toutes les transactions se font actuellement en liquide. La responsabilité en incombe à l'autorité monétaire, la Banque centrale et les banques primaires qui ont toujours accepté de fournir et de recevoir des liquidités en quantités énormes, sans que soit imposée l'utilisation de chèques pour des montants déterminés. Il n'y a par ailleurs aucune sanction prévue lorsque des intervenants dans le circuit commercial refusent d'accepter un chèque de la part de leurs clients. Je voudrais souligner que dans les pays développés, le paiement par chèque est devenu un moyen dérisoire et de ce fait, on n'utilise pratiquement plus que la carte de crédit. Il reste que pour les transactions commerciales, le chèque et le virement bancaire sont toujours en vigueur. De plus, dans ces pays-là, le paiement par chèque peut se faire à partir de n'importe quel montant comme il peut atteindre un montant très élevé. Il y a, d'une part, des mesures souples, et d'autre part, un cadre réglementaire très strict, c'est-à-dire qu'un commerçant, par exemple, n'a aucun droit de refuser un chèque remis par son client. Ce n'est pas le cas chez nous. La carte de crédit étant pratiquement inexistante et toutes les transactions se font par le biais de paiements cash et très rarement par virements bancaires dans le cas de très gros montants. Selon vous, cette nouvelle mesure va-t-elle concrètement changer les choses et aura-t-elle un impact sur la traçabilité monétaire des transactions commerciales ? Dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009, le gouvernement a voulu introduire un peu plus de rigueur dans la traçabilité des produits et des flux financiers. Cette mesure d'obligation de paiement par chèque, qui entre dans le cadre de la LFC 2009, est louable, mais elle est loin d'être suffisante pour assurer une traçabilité des transactions. Instaurer un plancher pour le paiement par chèque à 500 000 DA est à mon sens insuffisant, car il suffit de multiplier les paiements cash pour contourner cette mesure. Je pense que l'on aurait dû mettre la barre à 100 000 DA par exemple pour effectivement assurer une meilleure traçabilité des flux financiers. A un certain moment, on voulait imposer le paiement par chèque à toute transaction de plus de 50 000 DA, maintenant on est passé à 10 fois plus, ce n'est pas logique. La mesure est-elle applicable telle qu'elle est décidée actuellement ? Il faut saluer la mesure même si le montant plancher s'avère très élevé, car ne rien faire du tout c'est favoriser beaucoup plus le marché informel et les opérations opaques, dont le blanchiment d'argent. Il faut cependant que cette mesure soit bien encadrée juridiquement, pour que soit prévues des sanctions exemplaires contre les contrevenants à la disposition. Personnellement, concernant cette mesure, je suis resté sur ma faim, parce que je n'ai pas vu venir ce qui allait réellement limiter les dégâts enregistrés jusqu'à présent avec le non-paiement des transactions par chèque. Quand quelqu'un dépose à la banque des sachets de billets, ou qu'il en retire autant sans en justifier ni la provenance ni l'utilisation, il y a un gros problème, et c'est cela qu'il faut changer. Pour ce faire, il faut des sanctions. Cette obligation aura-t-elle un impact sur le marché informel ? Pour lutter contre le marché informel, il faut d'autres mesures, en plus de l'obligation du paiement par chèque. C'est un premier pas, mais à mon avis, il ne résoudra pas les grands problèmes de traçabilité et de marché informel. Si on voulait avancer vers l'éradication du marché informel, on se préoccuperait plus des signes extérieurs de richesses. Lorsque des biens immobiliers valant une fortune sont érigés, en contournant le fisc, il y a comme un problème, et il faut arriver à le résoudre, pour obliger certains à déclarer leurs biens. Il reste que le paiement par chèque permettra d'améliorer la trésorerie des banques, car les liquidités tourneront à l'intérieur du secteur bancaire et non à l'extérieur, et cela permettra de mieux connaître l'économie nationale et au fisc d'avoir une bonne maîtrise des transactions financières.