Dans le nouveau film du Tunisien Abdellatif Ben Ammar, Les Palmiers blessés, il incarne un musicien désabusé venu d'Algérie à Bizerte pour vivre tranquillement avec sa femme (Rym Takoucht), dans cette région qui a connu pourtant, en 1961, une guerre sanglante sans précédant. Un artiste dont les notes de sa musique sont plus fortes que les sourds bruits des bombes. Un rôle de composition bien accompli par notre comédien aux yeux clairs. Notre Clark Gable algérien se révèle à nous... L'Expression: De Mostefa Benboulaïd à Les Palmiers Blessés du réalisateur tunisien Abdellatif Ben Ammar, pourriez-vous nous parler de votre expérience tunisienne? Hassan Kechach: C'est une expérience belle et enrichissante. J'ai appris beaucoup de choses sur le plan cinématographique avec le réalisateur et les comédiens tunisiens. Je ne sais pas si je peux parler même d'une industrie cinématographique car on a constaté qu'il y a quand même des labos de développement, des studios, un secteur bien structuré, cela nous a permis, pour nous, et les comédiens, Rym Takoucht, Mme Aïda Gechoud et moi d'avoir une certaine ouverture sur la Tunisie qui contribuera à nous faire connaître auprès du public tunisien. Et vice versa pour les acteurs tunisiens qui seront aussi connus en Algérie. Cette expérience est une première pour moi et pour le réalisateur, la deuxième après le film Aziza. Oui pour les coproductions. Il y a beaucoup de sujets communs à traiter, des thèmes qu'on peut aborder et qui peuvent faire l'objet d'une coproduction et pourquoi pas avec d'autres pays comme le Maroc et autres. Le cinéma aujourd'hui est en plein développement dans le monde. On voit une émergence du cinéma asiatique, le cinéma iranien, de l'Amérique latine, et bien sûr des Etat-Unis d'Amérique qu'on connaît. Il faut que le Maghreb soit aussi là. Il faut qu'on ait une place sur la scène artistique et cinématographique mondiale. Cette coproduction avec la Tunisie est un pas en avant. J'espère qu'on va récidiver. Comment estimez-vous le fait d'être dirigé par un réalisateur comme Abdelatif Ben Ammar après l'avoir été par Ahmed Rachedi? Ce fut un plaisir. Franchement, je ne le dis pas par complaisance. Nous avons bien travaillé sur le scénario d'abord. Ce n'était que durant le tournage, mais une dizaine de jours avant, dans un cadre agréable. Au départ, Abdellatif nous a dit qu'on allait être dans un Centre culturel à Hammamat. Et lorsque nous sommes arrivés, je me suis rendu compte que c'était vraiment agréable. J'étais réticent à cette idée. C'était presque dix hectares de forêt, avec des résidences. C'est un centre qui a été dédié par un artiste-peintre roumain au gouvernement tunisien, à la seule condition qu'il soit utilisé au service de l'art. Vraiment, c'était un cadre agréable qui prêtait au travail intellectuel et à la réflexion. On a travaillé sur le scénario. On a fait des lectures continues. On avait trois séances dans la journée, le matin, l'après-midi et le soir. M.Abdelatif dirigeait, mais cherchait aussi la complicité de l'acteur. Il voulait que l'acteur soit convaincu et adopte l'idée. J'ai aimé ça. Nous avons lu le scénario. Nous avons donné notre avis sur beaucoup de choses. Tu sens que l'idée en lui a mûri depuis des années et nous, nous sommes venus là beaucoup plus pour apprendre et comprendre. J'ai apprécié cette expérience. C'est un plus pour moi. C'est comme cela qu'on avance. C'est le cumul. On capitalise les expériences. Ce sont les contacts, les voyages qui font qu'on essaie toujours de donner le meilleur de soi. Le rôle que vous avez campé dans Les Palmiers blessés (un artiste algérien désabusé immigrant avec sa femme à Bizerte), est différent de celui de Benboulaïd, mais la trame est quasi la même, puisqu'elle porte sur l'histoire... Oui, peut-être qu'il y a un point commun entre les deux films, c'est qu'on parle de l'histoire dans les deux films... Là, dans le film de Abdelatif Ben Ammar, il s'agit du néoréalisme. Cela se passe dans les années 1990. Il y a aussi une opinion du réalisateur qu'on adopte avec le temps. C'est un appel à une écriture scientifique et rigoureuse de l'histoire. C'est ça l'approche. Le regard est contemporain sur l'histoire. Dans le film de Benboulaïd, on a parlé de l'histoire. Bien sûr, on a essayé de raconter l'histoire en image et en son. On s'est inspiré de l'histoire d'un leader, un héros de la Révolution algérienne. Sur l'un, on était en plein dedans, sur l'autre film, on jetait un regard distancier, mais contemporain sur l'histoire. Un point commun lie effectivement ces deux films. Les deux parlent de la lutte, de la résistance et des sacrifices. Que ce soit des martyrs algériens pour recouvrer leur indépendance et dignité ou les sacrifices du peuple tunisien dans la guerre de Bizerte. Il faut écrire l'histoire en effet et en tirer des leçons. Il y a un travail à faire qui est propre aux historiens. Si les historiens n'ont pas fait assez pour la guerre de Bizerte, les cinéastes ont, pour compléter la tâche des historiens, fait un travail nécessaire. Aujourd'hui, l'audiovisuel dans le monde est un champ ouvert. Nous avons beaucoup de chaînes de télé. Beaucoup de films. Et nous, nous sommes où dans tout ça? Il faut connaître notre passé. Il n'y a pas de présent sans passé, et de futur sans présent. Il y a une continuité. Dans cette continuité, il ne faut pas qu'il y ait une rupture. Il faut qu'on capitalise sur tous les plans. Nous sommes dans une période de construction. Il viendra le jour où on ne peut plus construire. Il faudra entretenir ce que nous avons construit. Des projets? Il y a un feuilleton en montage dans lequel j'ai joué. Il s'agit du Commissaire Loeb de Bachir Derraïs. Une adaptation du livre de Yasmina Khadra. J'incarne un des trois inspecteurs avec lesquels travaille l'inspecteur Loeb. Ce que j'ai aimé dans ce rôle est le fait qu'il raconte la vie de ce policier, à l'instar de celle des gendarmes ou tous ces gens qui sont souvent en déplacements ou en mission. Le résultat, ce sont souvent des conflits avec sa femme le rôle interprété par la comédienne Nadia Kaci. Sa femme est ambitieuse. Elle veut changer de statut social. Lui, il se contente de son boulot dans la police. Il y a toujours des conflits au sein de la famille. Ils s'aiment, mais pour toutes ces raisons, le foyer se déchire. En même temps, il a des problèmes avec son supérieur, liés à une histoire de concurrence professionnelle. Pas sur les objectifs à atteindre, mais sur la façon de faire. C'est un personnage qui n'est pas linéaire. J'ai aimé ça en lui. J'espère que le feuilleton sortira bientôt. Je dois tourner aussi dans le nouveau film de Mohamed Chouikh, L'Andalou. C'est un très beau sujet. Bien écrit. Cela porte sur la chute de Grenade et le contexte historique qui l'a accompagné et le retour des Espagnols au moment où l'Andalousie était un bastion de tolérance, de cohabitation et de rayonnement culturel. Après les chutes successives des principautés de l'Andalousie, l'inquisition a fait que les Andalous ne pouvaient plus avoir la liberté de culte et le droit de posséder. A travers cette histoire, on va faire la lumière sur plusieurs personnalités méconnues comme le prince de Mostaganem, Hamid Ibn Elabd. Un prince très puissant qui a accueilli les Andalous et les a aidés à s'installer. C'est aussi une façon de jeter la lumière sur l'histoire et reconstituer le puzzle. Le tournage débutera après le mois de Ramadhan. Le film a connu un départ difficile en raison de certaines difficultés financières. On a préféré tout arrêter pour réunir tout le montage financier nécessaire et entamer le tournage sereinement. Il y a un autre projet prévu pour la fin de l'année et le début 2011. Il s'agit d'un film qui sera réalisé par mon ami Mourad Chourar. Ecrit par la journaliste Hafida Merimech. Je crois qu'il s'agit de l'histoire de son père. L'histoire de trois soldats algériens, prisonniers chez les Allemands qui tenteront de s'évader d'un «chtalag», un camp de concentration allemand. Ils prennent conscience qu'ils ont participé à une guerre qui n'est pas la leur. Ils traverseront toute l'Allemagne à pied et connaîtront beaucoup de moments de rencontres et d'amitié. Les personnages vont se confesser et raconter avec nostalgie leur histoire. L'histoire est très belle. Elle a eu lieu dans les années 1940. Elle date bien avant celle de l'évasion des Britanniques sur laquelle on a fait un grand film. Des Algériens se sont évadés bien avant...