Ce mouvement compte mettre les bouchées doubles. Le meeting électoral autour des élections locales (APC-APW) présidé par le président du mouvement El-Islah, Abdallah Djaballah, a été marqué par une forte présence des militants de ce parti venus écouter un discours conservateur prôné par Djaballah. Ce dernier, associant la politique à la religion, s'est contenté, sous les applaudissements nourris de la salle, de s'attaquer à toutes les réformes initiées, notamment le projet de réforme du système éducatif, l'utilisation abusive de la langue française dans l'administration et de ce fait, plaider pour la charia dans la législation algérienne. Ce meeting a été aussi marqué par l'insistance du leader d'El-Islah sur la libération des deux leaders du FIS dissous, Abassi Madani et Ali Benhadj qu'il a cités nommément. A suivre le discours de Djaballah, tout l'édifice de l'Etat républicain algérien est à reconstruire au profit d'un Etat islamique propre à la vision du mouvement El-Islah. Par ailleurs, le mouvement El-Islah présente 628 listes de candidatures aux locales, soit moins de la moitié des APC, et 44 pour les APW. M.Lakhdar Benkhellaf, secrétaire national chargé de l'organique, explique que la non-participation de son parti dans les circonscriptions de Tizi Ouzou, Tindouf, Tissemsilt et Béchar est due à des questions d'ordre technique. Ainsi El-Islah vient après le FLN et le RND qui se présentent dans la majorité des circonscriptions électorales. Notre interlocuteur qualifie les élections dont la campagne est en cours de «présidentielle anticipée». Il explique: «En 1990, pour des raisons que tout le monde connaît, ils ont réduit les prérogatives des maires. Maintenant, ils attendent les résultats des locales pour décider. Si le FLN gagne, ils changeront le code communal. S'il perd, ils laisseront les pleins pouvoirs entre les mains des secrétaires généraux de communes.» Mais quel rapport y a-t-il avec les présidentielles? «Parce que les maires du FLN se chargeront de baliser le terrain pour la présidentielle», ajoute-t-il. Il aligne ensuite un autre argument surprenant. Il rappelle qu'au temps du FIS, ils avaient numéroté les listes, et le «numéro 6» avait fait des ravages. Ils—«ils» sont les autorités bien sûr ont ensuite donné des lettres en 1997 puis des images aux dernières législatives. M.Benkhellaf confie: «Sans demander notre avis, ils ont décidé cette fois-ci de mettre les portraits des présidents de parti sur les listes.» Il considère qu'il s'agit d'une ruse pour discréditer certaines personnalités et mettre en valeur d'autres dans la perspective, toujours, de la présidentielle. Notre interlocuteur semble confondre les portraits de MM.Benflis et Bouteflika. Mais là n'est pas la question. Du côté de chez El-Islah on fait des extrapolations. «Lors des dernières élections, ils ont donné un coup de pouce au FLN grâce aux bureaux spéciaux», énonce-t-il. «Maintenant ils comptent l'aider avec les encadreuses». Selon cet avis, «ils» ont longuement mis en exergue l'absentéisme des femmes lors des locales pour en faire aujourd'hui «de nouveaux bureaux spéciaux», car M.Zerhouni «compte mettre des contrôleuses dans les bureaux de vote des femmes». El-Islah s'est choisi comme slogan de campagne «Pour la réforme et la construction» et espère se situer dans la lignée des réformistes des années 30 qui ont su rendre immuables les trois piliers de la Constitution algérienne. Mais on constate que ce parti se contente de ressasser des critiques, à défaut de présenter un programme cohérent et infaillible. Rappelons que El-Islah s'est classé troisième lors des dernières législatives après le FLN et le RND. Mais il est remonté en position de premier parti de l'opposition et de la mouvance islamiste. Il serait toutefois utile de souligner que le FFS n'avait pas participé au dernier scrutin. Ce parti représentait la première force d'opposition en 1991. Il s'était placé troisième après le FIS et le FLN. Le parti de Djaballah, fort des derniers scores, compte reproduire le scénario de mai dernier pour s'installer définitivement sur un échiquierpolitique en permanente recomposition.